Dimanche 10 juillet 1881
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Launay 10 Juillet 81
Ta lettre, mon Père chéri, est venue nous[1] combler de joie ce matin, il y avait si longtemps que nous n’avions reçu de tes nouvelles ! si tu savais mon bon Père, comme nous pensons à toi et combien tu nous manques en ce moment, il eût été si doux de passer ensemble au calme ce mois de Juillet, j’aurais été si contente de te voir auprès de ma petite Jeanne[2], tout cela aurait été un si grand plaisir que je ne veux pas y renoncer. Je voudrais tant te voir heureux mon Père chéri, et cette coquine de distance vient sans cesse nous priver de ces réunions si bonnes ! sache au moins qu’on pense à toi beaucoup, beaucoup et qu’on t’aime énormément, cette pensée idée-là dans ta solitude devra t’apporter un petit rayon de soleil. Nous sommes absolument sans nos Messieurs[3] mais ils n’ont pas à se plaindre cependant, car je j’assure qu’ils occupent joliment les esprits de celles qu’ils ont laissées et tu es, mon cher Papa de ce trio vers lequel on se reporte sans cesse. Marcel me charge d’amitiés pour toi et veut en même temps que j’insiste pour te demander de venir à Launay ; je lui ai répondu que je le faisais bien le plus que je pouvais.
Je vois d’après ta lettre que vous avez eu comme nous de très fortes chaleurs ; aujourd’hui je crois que le soleil va de nouveau devenir brûlant mais depuis Mercredi nous jouissions d’une température fort agréable. Jeanne passe sa vie dehors, elle ne rentre qu’à 8h pour se coucher ; que je suis heureuse, mon Papa, d’avoir une si gentille et si facile petite fille ! je crois qu’il est rare de trouver une enfant donnant moins de soucis ; ses repas sont toujours bien réglés et son sommeil de la nuit aussi. Nos journées se passent très agréablement, nous faisons chaque jour une promenade puis nous lisons et cousons enfin il y a le temps donné à la correspondance. Nous faisons bien fonctionner la poste entre le camp de Coëtquidan et Launay, Marcel me gâte et m’écrit tous les jours ; j’en fais autant de mon côté. Le voilà bien installé sous sa tente, mon cher mari, il mène une vie très active qui l’enchante ; il se lève parfois à 3h du matin, monte beaucoup à cheval, dirige ses hommes, enfin remue toute la journée, il a avec cela quelques bons camarades qui lui font passer les heures de repas et de repos d’une façon agréable.
Tante a aussi de bonnes nouvelles d’oncle, il part demain pour la Corse[4] mais il paraît qu’il ne trouve que peu de choses aux grandes profondeurs, et qu’il reviendra sans doute par Gibraltar et les côtes de Portugal. Adieu, mon cher Père, je t’embrasse de tout mon cœur, que je voudrais donc que ce pût être en réalité !
ta fille
Marie
Notes
- ↑ Marie et sa sœur Émilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff et Alphonse Milne-Edwards (« oncle ») époux d’Aglaé Desnoyers (« tante »).
- ↑ Alphonse Milne-Edwards participe à l'exploration scientifique du Travailleur.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Dimanche 10 juillet 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_juillet_1881&oldid=39286 (accédée le 15 novembre 2024).
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