Jeudi 6 et vendredi 7 août 1868

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)


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CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX THANN

Haut-Rhin[1]

Ma chère Nie Je sais bien qu’en t’écrivant le soir, tu as les nouvelles un jour plus tard. Mais si j’attendais ma journée je crois bien que tu serais souvent sans nouvelles.

Ce matin j’ai reçu la bonne lettre de Mimi[2], accompagnée d’un petit mot de toi. N’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter ; vous prenez tous tellement goût à cette vie vagabonde, que votre Vieux-Thann vous semblera une pauvre existence beaucoup trop tranquille & monotone.

Je n’ai rien de bien saillant à te marquer d’ici, j’ai du reste écrit hier au soir à mes petites amies[3]. Founichon aura à lire une grande lettre.

L’on travaille aux Nanzouks[4], mais toutes les mises en train sont difficiles & celle-là ne manque pas de peser un peu sur mes occupations.

Mais somme toute, cela va gentiment & je ne saurais exiger plus car il y a entre tout le personnel à former & bien de petits détails qui clochent fortement. Des essais faits en blanc ordinaire ne sont pas très satisfaisants il s’agit de les continuer.

Enfin l’ensemble laisse terriblement à désirer ce qui m’empêche moi-même de me décider à une nouvelle absence. Je ne voudrais être que 3 à 4 jours absent, & je ne vois pas la possibilité de donner plus & de prendre ce peu.

Tu voudras toujours en rentrant rester quelques jours à Paris, en le faisant pas Maman[5] ne serait pas contente ; c’est si naturel.

En m’en allant pour plus longtemps, < > est commencé s’arrête & c’est à recommencer de plus belle comme si l’on n’avait rien fait.

Je crois donc plus sage de ne pas aller vous chercher à la Mer. Une fois à Paris vous saurez me dire combien de jours vous y restez & je puis très bien pour que vous ne soyez pas seules aller vous chercher, c’est un voyage de 2 jours, ce qui ne peut rien arrêter.

Tout cela sera certainement moins gai & amusant mais infiniment plus sage. Après mes bonnes vacances j’avoue que j’ai trouvé le travail & surtout ma vie un peu dure. Je suis déjà moins exigeant aujourd’hui & le jour de votre retour me semblera plus beau que toutes les Mers du monde. Si vous serez contentes de me revoir & retrouver tout ce que vous quittiez je puis vous assurer que votre fête n’égalera pas la mienne. Aussi je compte…

Demain en 8 finit votre location du chalet ; à moins que vous n’ayez prolongé & que ces dames[6] comptent faire une double saison comme il en était un instant question. Mais pour les enfants une bonne saison d’un mois est suffisante. Il vous sera difficile & impossible si vous êtes seules de voyager avec des enfants les 14 & 15. J’avoue que je n’aurais aucun plaisir si je vous savais en route ces 2 jours. Il faut devancer ou retarder cette date. Mais je vais dire comme Aglaé tu ne lis pas nos lettres car tu n’y réponds pas. Je t’avais déjà parlé de cela ou au moins ai cru le faire.

Si vous pouvez retarder votre départ d’un jour ou 2 je n’y verrais aucun inconvénient, au contraire vous y engagerais. Malgré tout le bonheur que j’aurais à vous embrasser tous ; je serais désolé que vous hâtiez votre retour pour cela. Je sais que d’autres ont aussi du plaisir à vous avoir & vous embrasser. Ce sera avec non moins de plaisir que j’attendrai mon tour.

En voilà bien long, mais je ne suis pas du tout content de moi. Il y a peut-être un peu de mauvaise humeur, car hier encore j’espérais un peu pouvoir aller vous rejoindre. Ce n’est que ce soir que j’ai dû m’imposer cette petite mortification.

Ce n’est pas, je te le répète que quelque chose d’extraordinaire se soit passé, loin de là, l’extraordinaire je l’attendais au contraire & il n’est pas venu.

Les affaires sont toujours très calmes & rien n’indique que cela ne dure encore quelque temps ainsi. Les Berger perdent beaucoup en ce moment dans le tissage. Il a été ici ce soir avec nos projets de Morschwiller.

Avant 15 jours 3 semaines l’on ne commencera par la glacière ; j’en suis désolé, ce sera juste au moment où nos parents seront avec nous. Mais tout est long & va si lentement. Les cimenteries n’ont pas discontinué de travailler ici. Même ne suffisant pas, ils ont pris du monde pour leurs travaux extérieurs.

Vendredi matin, A l’instant je reçois ta bonne lettre & m’empresse de faire amende honorable. Tout ce que tu me dis est bien tentant pour moi. Mais réellement pour un ou 2 jours de mer, il est inutile que je vous empêche de donner encore quelques jours à Paris.

J’entends par quelques jours 4 à 5. ce qui avec les voyages aller & retour me prendrait 10 jours, ce serait trop pour le moment ; je renonce donc définitivement à aller vous trouver.

Par contre je vais faire organiser la voiture pour me faire chercher dès demain l’Eau de Wattwiller & espère dès demain commencer mes douches.

Je ferai tes commissions à Thérèse[7] & la tante[8] mais je crois que ta Victoire[9] a déjà battu en retraite chez elle. Je viens de chez ma tante ; la camériste est chez sa tante près Colmar, l’on va lui envoyer sa feuille de route pour Vieux-Thann. La tante est rentrée hier soir 10 h, a trouvé les Zaepffel[10] en bonne santé & très affectueux pour elle. Émilie est contente & ne voit rien, très heureusement. Quant au Compte que je lui ai envoyé, Zaepffel n’y voit entend rien & dès que vous serez de retour ils comptent venir nous voir. Ma visite leur a fait le plus grand plaisir.

Jules[11] est rentré après un succès très grand, il a 6 prix en tout 11 nominations, c’est l’élève qui en a eu le plus. Mais il a mauvaise mine & n’a pas de santé.

Je crois t’avoir dit que j’étais à Morschwiller Mardi dernier & que j’ai trouvé tout le monde bien ici en Réponse à l’une de tes questions. Maman Duméril[12] a dû t’écrire depuis.

Pour ce qui est de tes recommandations à Thérèse je vais les faire & en attendant que ton travail de chambres soit achevé, je prendrai logement dans la chambre des Alphonse[13]. Je n’ai invité personne pour Demain. Si je suis seul j’irai peut-être le soir prendre mon bain à Wattwiller. J’embrasse bien la belle petite dame abandonnée & la prie de me tenir au courant des faits & Gestes.

Plus nous approchons & plus je me trouve impatient de vous revoir. J’espère recevoir Dimanche matin une lettre qui me dira que vous avez fait bon voyage.

Je te dirai que je suis approuvé par le gros Oncle[14] qui d’habitude cependant aime bien être Seigneur & Maître comme tu sais. tout à toi chérie, embrasse bien fort les enfants & fais en sorte que je puisse bientôt vous embrasser tous

Charles Mertzdorff


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Mimi, Marie Mertzdorff.
  3. Les filles de Charles, Marie et Émilie (Founichon) Mertzdorff.
  4. Le nansouk (ou nanzouk) est un tissu léger de coton, utilisé en lingerie.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  6. Eugénie et sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Thérèse Gross, cuisinière.
  8. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  9. Victoire, pressentie pour travailler chez les Mertzdorff.
  10. Émilie Mertzdorff et son époux Edgar Zaepffel.
  11. Jules Heuchel.
  12. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  13. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  14. Georges Heuchel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 6 et vendredi 7 août 1868. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_6_et_vendredi_7_ao%C3%BBt_1868&oldid=60076 (accédée le 18 décembre 2024).

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