Jeudi 3 septembre 1835

De Une correspondance familiale


Lettre d’Auguste Duméril (Angers) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris)


lettre du 3 septembre 1835, recopiée livre 8 page 1009.jpg lettre du 3 septembre 1835, recopiée livre 8 page 1010.jpg lettre du 3 septembre 1835, recopiée livre 8 page 1011.jpg lettre du 3 septembre 1835, recopiée livre 8 page 1012.jpg


Angers. Ce 3 Septembre 1835 Jeudi

Je reçois à l’instant ta bonne lettre, ma bien chère maman, et je m’empresse d’y répondre de suite, quoique je n’ai qu’un moment avant le dîner, afin de t’en remercier et de t’annoncer mon heureux retour ici, lequel a eu lieu un jour plus tard que je n’avais décidé, car le mardi où je devais reprendre le bateau d’Angers étant le 1er et ce jour-là se trouvant justement être celui où l’installation des troupes devait avoir lieu, j’avais pensé qu’Auguste[1] ne serait de retour ici que le mercredi et cela me donnait le temps de jeter un dernier coup d’œil sur cette belle ville de Nantes et d’entendre Mme Damoreau[2] qui devait enfin jouer le mardi. Mais juge de la contrariété que nous avons éprouvée Auguste et moi de nous être séparés, quoique le service l’exigeât ou du moins semblait l’exiger tout à fait car le dimanche soir lendemain de l’arrivée d’Auguste ici, l’ingénieur lui a dit qu’il ne croyait pas qu’il fût nécessaire qu’Auguste allât pour cette installation, ainsi nous avons été ensemble quatre jours de moins que nous n’aurions pu le faire, et lui a manqué les voyages de St Nazaire et de Clisson. Mais l’ingénieur n’est pas coupable, car il ne savait pas d’une manière bien positive, s’il serait tout à fait essentiel qu’Auguste à Vihiers et il avait cru devoir lui dire d’être en tout cas de retour à Angers le 30 ou le 31. Enfin nous voilà réunis et bien contents de nous retrouver pour quelques jours. Il veut que je revois sa ville le dimanche, parce que c’est le jour où elle est le plus animée, je me laisse faire cette douce violence et j’espère que tu ne trouveras pas mauvais que je ne reparte que lundi soir ; je serai donc mercredi matin à Paris ; je vais m’occuper de retenir une place. C’est le 9 au matin que j’aurai le plaisir de vous embrasser.

Nous avons lu avec bien de l’intérêt tous les bons détails que tu me donnes sur papa[3] dont le retour aussi prompt m’a un peu étonné, surtout en sachant que de choses il a vues. Je conçois qu’il soit fort content de son voyage. Quant à moi si le mien n’est pas aussi curieux, je n’ai pas moins la plus grande satisfaction de l’avoir fait. J’ai écrit lundi à Alphonse[4] une longue lettre, où je lui donne beaucoup de détails sur notre séjour à Nantes, je pense qu’il aura bien voulu vous les communiquer. J’ai encore fait lundi une promenade en bateau à rames avec Gustave[5] sur une petite rivière dont les bords sont fort jolis et qu’on nomme l’Erdre ou Barbin ; Constant[6] doit la connaître. Gustave a dîné avec moi à la table d’hôte à l’hôtel le mardi, ce soir-là nous allâmes ensemble au spectacle, nous avions dîné ensemble aussi la veille ; je me suis donc trouvé beaucoup avec ce cousin qui gagne bien à être connu un peu intimement et qui m’a fait un charmant accueil ainsi qu’à Auguste. Je suis, ou plutôt nous sommes bien contrariés d’apprendre que tu as encore tes douleurs, je souhaite bien qu’elles t’abandonnent promptement. Félicité[7] a donc toujours des malaises, on ne sait vraiment s’il faut la plaindre ; je lui envoie les biens tendres amitiés de ses deux frères qui lui disent combien ils sont heureux des témoignages de bonne et franche amitié que cette chère sœur a exprimés dans la lettre si affectueuse que j’ai eu le plaisir de recevoir d’elle dimanche. Je me réjouis bien de vous revoir. Auguste vous envoie ses tendres amitiés, quant à moi je vous embrasse tous quatre de tout mon cœur jusqu’à ce que je le fasse en réalité.

Tout à toi ton bien dévoué et affectionné fils

A. Aug. Duméril.

Mes amitiés je te prie aux cousins Eugène et Alphonse et Alfred[8]. Si tu vois les Comte[9] avant leur départ, ne m’oublie pas je te prie auprès d’eux ainsi qu’auprès des Horace[10]. J’envoie mes amitiés à ma tante[11].

Nous nous sommes promenés aujourd’hui, demain nous allons à une lieue d’ici sur une suite de ponts qu’on appelle Pont de Cé (Ponts de César à ce que prétendent les érudits).


Notes

  1. Charles Auguste Duméril, cousin d’Auguste Duméril.
  2. La soprano Laure Cinti-Damoreau.
  3. André Marie Constant Duméril était en voyage à Montbéliard.
  4. Alphonse Defrance.
  5. Gustave Say gère avec son frère Achille la raffinerie de sucre de Nantes.
  6. Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
  7. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant, est enceinte de Caroline.
  8. Eugène et Alphonse Defrance, et Alfred Say.
  9. Adrienne Say, son époux Charles Comte et leurs enfants.
  10. Horace Say, son épouse Anne Cheuvreux et leurs enfants.
  11. Élisabeth Castanet.

Notice bibliographique

D’après le livre des lettres de Monsieur Auguste Duméril à M. Henri Delaroche (suite), 4ème volume (Voyage à Angers et sur les bords de la Loire, jusqu’à Saint Nazaire, pendant qu’Auguste l’ingénieur était en mission à Angers en 1835), p.1009-1012.

Pour citer cette page

« Jeudi 3 septembre 1835. Lettre d’Auguste Duméril (Angers) à sa mère Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_3_septembre_1835&oldid=57255 (accédée le 28 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.