Jeudi 3 juin 1875

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1875-06-03 pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-06-03 pages 2-3.jpg


Paris, le 3e jour du mois de Juin de l’année 1875ème de l’ère chrétienne    

Mon cher Papa,               

Te voilà donc au milieu des ennuis et des tracas de toutes espèces ! pauvre petit père chéri nous pensons bien à toi je t’assure et c’est pour le coup que je voudrais être petit oiseau pour aller bien bien vite embrasser mon petit papa. Je me doutais bien que tu devais avoir des ennuis car alors tu ne nous écris pas, ta lettre est donc venue confirmer cette crainte. J’espère bien que tout va mieux à présent que c’est égal cette pauvre fabrique elle est bien ennuyeuse à ne jamais marcher comme on voudrait et à toujours se détraquer au moment où il faudrait qu’elle marche.    

Mon bon petit père chéri, cela me rend si triste de te voir triste et accablé d’ennuis : je voudrais tant que tu sois toujours heureux et [non] triste [  ] si nous pouvions être tous auprès de toi. J’espère bien que tu [viendras] le plus tôt possible ne serait-ce que pour peu de temps [car] tu sauras qu’il y a un mois que tu es parti.   

Mon bon petit papa, comme c’est ennuyeux que tous ces tracas t’arrivent maintenant encore si nous pouvions être avec toi cela te distrairait un peu des affaires de fabrique. Tu ne sortiras donc jamais de tous tes ennuis mon bon petit père.   

Je me substitue à Marie[1] pour finir la correspondance, parce qu’elle prend sa leçon de Mlle Bosvy[2], pour moi c’est déjà fait.

Hier j’avais une chance incroyable jamais je n’en ai tant eu. 1ère [en] histoire, 1ère en grammaire, 1ère en mythologie et par-dessus le marché une dictée sans faute ! Je suis encore tout étonnée de cette multitude de succès mais il faudrait bien que cela m’arrive tous les mercredis car Marthe Michelez a eu 7 cachets de plus que moi quant à Marie Paillart elle n’en plus que deux ½ de plus que moi et Marthe Simon en a un de moins. Mais le sort me favorise toujours, Marthe Michelez va partir elle ne reviendra même plus mercredi prochain, elle il est vrai qu’elle le suivra tout de même par correspondance mais elle ne me prendra jamais de places.

J’espère que tu reviendras bientôt, il y a si longtemps que tu es parti.

Il fait une chaleur étouffante aujourd’hui, hier il a fait un peu d’orage et nous avons été prises par la pluie en revenant du cours chez une march. mais une dans un magasin mais l’aimable marchand nous a fait chercher une voiture.

Marie a commencé son dessin hier matin. Aujourd’hui Mlle Poggi[3] n’est pas venue et elle ne nous rien fait dire elle est probablement malade. Je pense que cette après-midi nous irons voir Lucile Le Denormandie. Je supplie beaucoup tante[4] de me faire prendre une douche aujourd’hui, il fait si chaud mais et mon rhume est fini. J’espère que nous prendrons bientôt des bains froids, ils doivent être bien bons en ce moment.

Oncle[5] fait toujours ses 4 leçons par semaine aussi commence-t-il à aspirer après le mois d’Août et encore il a des examens qui le tiendront comme tous les ans jusqu’au 8 ou au 10, mais comme on a la maison pour 2 mois nous empièterons probablement un peu sur le mois de Septembre et mais nous resterions à Vieux-Thann tout notre mois quand même.

Adieu mon bon petit père chéri, je te demande pardon de ne rien te dire dans cette lettre mais les événements n’ont pas abondé depuis Mardi. Nous allons tous très bien, tante n’est pas trop fatiguée.

Je t’embrasse bien fort mon papa chéri et j’en fais autant à bon-papa et à bonne-maman[6]. Sais-tu s’ils viendront décidément ?

Tes deux filles qui compatissent bien à tous tes ennuis

Marie et Emilie Mertzdorff

Cécile[7] te fait dire bien des choses et te prie de demander à Thérèse[8] de chercher sa robe d’indienne à carreaux violets et son jupon blanc à petits plis, tu voudras s’il te plaît, l’apporter avec toi.


Notes

  1. Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
  2. Marguerite Geneviève Bosvy, professeur de français.
  3. Mlle Poggi, professeur de piano.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  7. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  8. Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 3 juin 1875. Lettre de Marie et Emilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_3_juin_1875&oldid=40065 (accédée le 18 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.