Mardi 1er juin 1875
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
CHARLES MERTZDORFF
au vieux-thann
alsace[1]
Mardi 1 Juin 75
Ma bonne grosse Marie chérie
Si ton dicton est vrai[2] comme j’aime à le croire votre bonne tantine[3] est levée & ne se ressent plus rien de sa fatigue ; car je n’ai pas reçu de ses nouvelles hier, sachant que vos santés sont ce qui m’intéresse le plus tu n’aurais pas été paresseuse à me le dire ; m’ayant du reste prévenu & même cité le dicton. J’en augure bien & suis tout à fait rassuré sur tous vos <chers> malades.
Hier je t’avais écrit déjà 2 petites pages c’était comme tu vois un beau commencement, mais j’étais peu entrain. J’avais mes nerfs !! Ce qui est très mal pour tout le monde & surtout pour un papa qui devrait toujours – toujours donner le bon exemple. Je ne voulais pas écrire & si je l’ai fait c’est en guise de douche bienfaisante & calmante. Le remède n’était pas mal trouvé, mais la lettre est au panier ce qui n’est que demi mal, cela me procure le plaisir d’être plus longtemps avec toi.
Tu te demandes sans doute la cause de cet état nerveux si mal placé chez un papa. Je vais te satisfaire bien vite quoique tu devines déjà que ce sont des contrariétés de fabrique & que la philosophie fait souvent défaut lorsque tout semble conspirer contre vous.
C’est Morschwiller qui débute par briser la grosse machine à vapeur neuve. Heureusement que l’ancienne peut fonctionner & que l’on ne sera pas arrêté 3 semaines, comme nous le croyions un moment. Sans cet adoucissement nous reculions de 2 ou 3 ans c’était à fermer !
A peine rentré de Morschwiller où j’avais constaté le mal je trouve ici la chaudière unique de Pétrus en si mauvais état que nous risquons d’être arrêtés de ce côté & ce côté est notre partie faible, car les rames ne suffisent pas & nous avons des correspondants peu endurants & fort désagréables d’autant plus qu’ils sont un peu dans leurs droits, car nous sommes si en retard.
Lundi c’est un cylindre que l’on casse, une autre machine qui refuse son service & par-dessus le tout presque une petite grève de certains ouvriers qui deviennent d’une exigence ridicule, que faire avec ce manque de bras qui est général en Alsace & surtout dans nos environs où tous les jeunes gens depuis 5 ans ont quitté. Si encore l’on ne perdait pas en travaillant il serait plus facile de les satisfaire, mais dans ces conditions cela devient très sérieux.
Voilà, ma chérie, ce qui a occasionné mon découragement, mais voilà déjà tout plus ou moins bien calmé. Mon grand remède pour toutes ces maladies c’est de faire voyager mes pensées au dehors de mes 4 murs empestés & lorsque je reviens au logis il devient plus supportable & je puis reprendre ma truelle pour replâtrer ce qui s’était écroulé & travailler à compléter ce qui manque toujours.
Pardon ma toute chérie de tous ces détails de cuisine.
Le courrier est venu me distraire. Pas de lettres bonnes nouvelles ? Mais il est midi passé & il faut que je me contente de ces deux pages. Les 2 autres suivront un autre jour. Cet après-midi je me fais conduire à Wattwiller, il faut que je commence mes bains autrement l’été se passe comme les autres années.
Tu embrasseras bien tantine pour moi & lui fera promettre qu’elle écoutera un peu plus son mari, en supprimant pas mal de ses fatigues qu’elle se donne & pensera un peu plus à elle & moins aux autres. bien entendu de bons baisers à ta sœur[4] mignonne < >
Notes
- ↑ Lettre à en-tête imprimé.
- ↑ Voir la lettre du 29 mai.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 1er juin 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_1er_juin_1875&oldid=40791 (accédée le 3 octobre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.