Jeudi 3 et vendredi 4 octobre 1901

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (château de Livet dans l'Orne)


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Brunehautpré, 3 Octobre

Ma chère petite Mie,

Merci de cette bonne lettre si affectueuse qui m’arrive, tu y as mis tout ton cœur et elle me fait du bien. Oui, c’est vrai, la séparation d’avec Jacques[1] me paraît triste, la dispersion de la famille arrive toujours trop tôt ; c’est pourquoi je t’engage à bien jouir de cette année que tu commences ayant encore tous tes enfants autour de toi ; qui sait si, plus tard, votre famille ne sera pas plus dispersée que la nôtre ?

Vendredi – J’avais commencé cette lettre hier et n’ai pu l’achever, quoique l’ayant transportée toute l’après-midi dans ma poche, à Campagne puis à Bamières où j’ai été faire mes adieux à Eudoxie[2], car elle part Lundi pour conduire ses fils à Paris et nous serons, je pense, partis quand elle reviendra Jeudi.

Nous attendons aujourd’hui à 2h, les Target. Malheureusement Damas[3] part demain soir. Je les garderai quelques jours après le départ de Damas, je m’imagine que ce sera jusqu’au Mardi ou Mercredi. Michel[4] part demain avec son papa, pour ne pas manquer le catéchisme.

C’est Damas qui a conduit Jacques jusqu’à Antoing, moi je l’avais seulement accompagné jusqu’à Douai où j’avais besoin de revoir les affaires qu’il y avait laissées. Je n’y ai passé que la matinée de Mardi jusqu’à 2h. Damas est revenu très content de l’installation des Pères à Antoing : ils ont loué un magnifique château appartenant au Prince de Ligne[5], château aux tours féodales, avec d’immenses communs dans lesquels on a installé les dortoirs et les chambres des Pères, et entouré d’un magnifique parc. C’est tout à fait la campagne et nous espérons que le bien que la santé de Jacques en retirera nous dédommagera de l’ennui de le voir moins souvent. Ils ne sont que 50 élèves (13 seulement dans sa classe) et à peu près autant de Pères que d’élèves, ce sont les Jésuites qui feront tous les cours ; les conditions de travail seront donc aussi satisfaisantes que celles de l’hygiène.

A force de combinaisons [train et voiture], j’ai trouvé moyen d’aller passer la soirée et la nuit à Rimbert : j’étais préoccupée d’Hélène[6] qui est sans domestiques et avait été souffrante. Elle m’a fait des confidences que sa pâleur m’avait fait pressentir dès l’abord ! ce sera pour Avril et malgré la joie de cette chère petite, je regrette qu’elle n’ait pas pu reprendre un peu plus de forces entre les deux. Je lui trouve la figure maigre et un teint de cire, pourtant elle dit qu’elle va bien et qu’elle n’a pas mal au cœur. Elle a 2 femmes de ménage qui suffisent à leurs besoins et elle ne se fatigue pas, je crois, mais je crains qu’elle n’ait pas fini avec les ennuis. Leur domestique est parti aussi, la bonne d’enfant profitait de la situation pour demander de l’augmentation. Hélène avait une cuisinière en vue mais une femme qui s’est proposée par le journal et sur laquelle elle avait peu, très peu de renseignements. Elle pensait aussi avoir un domestique ces jours-ci. Le bon Guy se multiplie pour soigner sa femme, et lui enlever toute cause de fatigue, il est très bon maître de maison et ne craint pas de descendre dans les détails. Anne Marie est très bien portante et de plus en plus gentille. Il est impossible de voir un bébé plus charmant, toujours souriant, toujours aimable. Tante Marie[7] connaît depuis peu les espérances d’Hélène mais ne lui en parle pas et ne lui dit pas mon impression sur sa mine.

Je suis bien contente pour vous que vous puissiez garder un peu plus longtemps Mme de Fréville[8] ; rappelle-nous à son bon souvenir. Tu ne me dis pas quand tu penses revenir à Paris. Nous aurons Dimanche une grande cérémonie pour la bénédiction d’un calvaire que M. le Doyen[9] vient de faire ériger. On fera une grande procession et nous travaillons depuis 2 jours à faire des fleurs pour décorer des arcs de triomphe. Fraülein[10] est précieuse pour cela.

Je suis bien contente pour André[11] qu’il ait pu faire encore un séjour chez toi, cela lui est si bon. Que tu es bonne pour tous, ma chérie !

Je t’embrasse très tendrement et te charge de mille amitiés pour tout ton cher entourage.

Émilie


Notes

  1. Jacques Froissart, pensionnaire à Antoing.
  2. Eudoxie Dambricourt épouse de Paul Froissart et mère de Maximilien et Jean Froissart.
  3. Damas Froissart.
  4. Michel Froissart.
  5. Louis de Ligne.
  6. Hélène Duméril, épouse de Guy de Place ; elle est mère d’Anne Marie de Place (née en mars 1901) ; elle accouchera d’Henri de Place en mars 1902.
  7. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril.
  8. Sophie Villermé, veuve d’Ernest de Fréville.
  9. Fortuné Deléval.
  10. Mademoiselle Ritleng ?
  11. Hypothèse : André Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Jeudi 3 et vendredi 4 octobre 1901. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris ?) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_3_et_vendredi_4_octobre_1901&oldid=54485 (accédée le 26 avril 2024).

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