Jeudi 2 février 1865
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Vieux-Thann Jeudi 2 65
11 h 10 mn
Ma chère petite Gla,
Depuis ce matin j’ai toujours été en l’air, et je n’ai pu encore venir causer avec toi et avec maman[1], car vous saviez que lorsque je vous écris c’est toujours à ces deux les plus chéries que je m’adresse ; aussi je ne sais jamais avec laquelle je suis en retard.
Vos bonnes lettres m’ont fait un grand plaisir. Vous ne pouvez vous figurer la joie ici lorsqu’une lettre de Paris arrive. Et tout à l’heure si tu avais vu le bonheur de Mimi[2] en lisant ta lettre tu aurais été grandement payée de la peine que cela t’a donnée. Et bras et jambes tout dansait en lisant que tante Aglaé viendrait bientôt nous voir, on projette déjà d’aller la réveiller du lit.
Founi[3], qui a gros cœur en voyant que Mimi reçoit des lettres, veut écrire elle « à son chéri oncle Alphonse[4] qui lui lui répondra, mais je n’ai pas le temps ».
Que je te plains, ma Gla d’avoir à t’occuper de toilette de bal, je voudrais bien pouvoir te donner de bons conseils, mais c’est au-dessus de mon pouvoir ; un journal de mode est tout ce qui me tient au courant des excentricités de la mode. Mais dis-moi bien comme tu as été, et si tu ne t’es pas trop ennuyée. Tu as raison de sortir un peu pour ton mari. Fais tous nos compliments à oncle Alphonse et dis-lui que je voudrais bien l’entendre professer.
Nous allons parfaitement bien, les enfants[5] n’ont jamais été mieux au moral et au physique. Je n’ai jamais à gronder et les leçons sont une fête.
Charles[6] est à Morschwiller, bonne-Maman Mertzdorff[7] vient dîner avec nous, j’ai été la messe ce matin, puis à la serre pour faire emballer quelques fleurs que je destine à maman et à toi, l’adresse est à la maman, tu n’auras qu’à venir au déballage et à faire le partage. C’est fort peu chose, la serre est magnifique de verdure, mais les fleurs ne sont pas encore abondantes. Mais enfin c’est quelque chose de chez nous que nous vous envoyons avec plaisir. Je suis juste arrivée à temps pour arrêter le jardinier[8] qui montait chaque fleur sur un fil de fer pour vous faire 2 bouquets montés. J’ai pensé que vous les arrangeriez bien mieux vous-même dans vos petits vases.
Je reçois la lettre de mon bon père[9], remercie-le bien en attendant que je lui écrive[10] ; tout ce qu’il a fait est bien, j’espère que son rhume n’a pas augmenté.
Je suis bien contente que maman aille bien. Dis-lui que ses 2 lettres ont été lues avec le même plaisir qu’elle a eu à les écrire.
Quoique que je ne m’occupe pas de toilette je suis toujours pressée. Je me mets à l’Allemand avec Charles, ça va bien, et ça nous amuse tous les deux ; Mimi me fait dire ma leçon de cette manière elle apprend aussi ; j’étudie mon piano presque 1 h par jour, on paraît y tenir puis les leçons aux enfants prennent ma matinée jusqu’à midi.
Adieu, ma Gla, je t’embrasse bien fort, il est déjà tard. EM
Embrasse papa, maman, Julien[11] et ton cher mari pour la colonie Vieux-Thannoise qui vous aime tant.
Notes
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Mimi, Marie Mertzdorff, fille de Charles.
- ↑ Founi, Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie Desnoyers.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et mère de Charles.
- ↑ Il s’agit probablement du jardinier Alphonse Payot.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ C’est chose faite le lendemain : voir la lettre du 3 février.
- ↑ Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 2 février 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_2_f%C3%A9vrier_1865&oldid=59210 (accédée le 4 novembre 2024).
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