Jeudi 29 avril 1879
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 29 Avril 1879
Ta lettre nous est arrivée ce matin portée sur les ailes de ton joli Schmetterling[1], mon cher Papa, et quoiqu’il ait un peu butiné en route, il elle n’en est a pas moins fait grand plaisir ; c’était le premier papillon que nous voyions de l’année et il a été très bienvenu. Moi je ne saurais pas monter sur si léger insecte tu sais que j’aime peu à me détacher du sol et j’aurais trop peur de m’envoler ainsi dans les airs c’est donc sur le dos d’un hanneton, ou sur la coquille d’un colimaçon bien tranquillement assise que j’irai te trouver ce sera lent mais plus sûr.
Tu attends sans doute des détails sur la journée de Dimanche et tout d’abord je vais te dire que cela a très bien marché : une oreille fine et exercée comme la mienne a bien entendu pendant que le Ruisseau[2] coulait sous les doigts d’Emilie[3] quelques petites fausses notes mais elle ne s’est pas arrêtée et je suis sûre même que le commun des mortels ne les ont pas entendues remarquées, elle a joué comme le bon ordinaire quelques unes ont fait plus d’accrocs, d’autres ont beaucoup mieux joué mais enfin c’était bien comme cela. Ce qui l’a le plus troublée, c’est que Mme Roger[4] dans sa précipitation à faire son programme en avait oublié 3 ou 4 et Emilie était du nombre, elle ne savait donc pas du tout quand son tour viendrait et elle a été appelée subitement au piano sans s’y être préparée ; elle prétend qu’elle était dans un rêve et qu’elle n’a pas entendu une note de son morceau. Tout le monde du reste a fait honneur à Mme Roger ; les petites ont eu un grand succès et ont été applaudies à outrance. Les chœurs aussi ont parfaitement bien marché et plusieurs artistes qui étaient là en ont paru très satisfaits. Il y avait comme toujours beaucoup de monde et du monde de connaissance, l’appartement de Mme de Montgolfier était très joli et très grand comme le plan suivant pourra t’en donner une idée[5]. Le seul défaut de la fête c’est que cela a été un peu trop long, nous sommes arrivées rue d’Anjou à 2h et à 6h20 on jouait encore !
Aussi hier nous entendions par moments de la musique et nous étions singulièrement abruties ; j’ai été chez M. Flandrin[6] puis nous avons été chez Mmes Target[7], Paul Target[8] et Buffet[9].
Je crois qu’Emilie ne t’a pas dit dans son trouble de Dimanche matin que nous avions été vaccinées Samedi en compagnie de Marthe[10] et de MargueriteAudouin mais je crois que cela n’a pas envie de prendre. J’ai été désolée d’apprendre que Laure Z.[11] était mariée sans que je lui aie écrit ; je fais des vœux pour que son voyage réussisse mais l’Italie est vraiment effrayante en ce moment on n’entend parler que de jeunes ménages rapportant des fièvres ou y laissant même leurs peaux, la pauvre Pauline Dupoirieux qui vient de passer un mois à Rome et à Naples est depuis plusieurs jours malade à Nice sans qu’on ait pu la ramener davantage et ses malheureux parents[12] craignent une fièvre typhoïde ; j’espère que ce n’est qu’une fausse crainte car ils ne vivent tous les 2 que pour cette fille et c’est sur ses instances qu’ils venaient de lui faire faire ce voyage.
Adieu mon Papa chéri, chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.
your daughter
Marie
On vient de nous annoncer le mariage de Mlle Riche[13] dont tu nous as déjà entendu parler. Son fiancé[14] est encore à l’école centrale et ne pourra se marier qu’après avoir fait son volontariat.
Notes
- ↑ Schmetterling = papillon.
- ↑ Le Meunier et le Ruisseau ? (sonate pour piano de Franz Liszt et Franz Schubert).
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
- ↑ Voir le croquis sur le fac-similé.
- ↑ A l’atelier du peintre Paul Flandrin.
- ↑ Probablement Eléonore Pauline Lebret du Désert, veuve de Louis Ange Guy Target.
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target.
- ↑ Marie Pauline Louise Target, épouse de Louis Joseph Buffet.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Laure Zaepffel, épouse de Henri Velin
- ↑ Charles Nicolas Dupoirieux et son épouse Maria Prévot.
- ↑ Jeanne Marthe Aimée Riche.
- ↑ Edmond Henri Gélis-Didot. Le mariage aura lieu en novembre 1880.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 29 avril 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_29_avril_1879&oldid=40048 (accédée le 15 novembre 2024).
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