Jeudi 26 mars 1914

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré), à son fils Louis Froissart (Paris)


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 BRUNEHAUTPRE
CAMPAGNE-LES-HESDIN
BRIMEUX
PAS-DE-CALAIS[1]

26 Mars

Mon cher Louis,

Je suis navrée d’avoir vu paraître dans le Journal de Montreuil ce que tu sais[2] ! J’espérais tant que soit vous, soit M. de La G.[3] en empêcheriez la publication après tout ce que nous avions déjà dit ! Personne ne comprend que cela  puisse venir de ton père[4] et vraiment on n’avait pas besoin de cette nouvelle difficulté alors que la situation est déjà si hérissée de difficultés. J’avoue que, pour ma part, je suis complètement démoralisée et je me fais de violents reproches de n’avoir pas su mieux comprendre la situation au mois de Novembre et d’avoir cru trop facilement que M. de La G. ne voulait pas, pour des raisons personnelles, se présenter ; ses réticences me font bien comprendre maintenant qu’il s’est simplement effacé devant ton papa, comprenant qu’il ne demandait, au fond, pas mieux que d’être candidat. Je me reproche de ne l’avoir pas vu moi-même pour mettre les choses au point et lui expliquer que nous serions heureux de lui céder la corvée ! peut-être en aurait-il été temps encore, comme je l’ai écrit à ton père, avant la publication [   ], mais maintenant il n’y a plus rien à faire qu’à marcher en sentant les bonnes volontés encore un peu plus raréfiées et découragées !

Tu préfères, dis-tu, aller respirer l’air des montagnes plutôt que d’assister à nos luttes et à nos défaites. Ce sera plus sain et plus vivifiant et je ne me sens pas disposée à t’en dissuader. Néanmoins, avant de te donner une réponse ferme, il faut que j’en parle à ton père et j’aime mieux le faire quand il sera de retour ici. Pierre[5] qui m’a pourtant encore écrit ce matin ne m’a parlé de rien.

Au contraire je compte bien sur l’activité, la souplesse et l’entregent de Michel[6] pour nous aider puissamment. Dis-lui d’avaler double dose de Droit en ce moment pour être prêt à faire la campagne avec nous.

Où en est la motocyclette ? Georges[7] revient-il bientôt ? Jacques[8] apprend à Jules[9] à conduire : il annonce de grandes dispositions et est enchanté.

Puisqu’il faut boire jusqu’à la lie le vin que nous avons si malencontreusement tiré, nous nous installerons à Montreuil[10] Mardi !

Je t’embrasse tendrement ainsi que Michel. Je ne te charge de rien pour ton papa, car j’espère qu’il aura quitté Paris demain matin. On réclame partout des visites de lui. Le déciderons-nous à en faire, je n’ose plus l’espérer.

Émilie


Notes

  1. Papier à en-tête.
  2. Polémique pendant la campagne pour les élections législatives auxquelles se présente Damas Froissart.
  3. Pierre de La Gorce ou son fils André de La Gorce ?
  4. Damas Froissart.
  5. Pierre Froissart.
  6. Michel Froissart.
  7. Hypothèse : Georges Defoort.
  8. Jacques Froissart.
  9. Jules Legentil.
  10. Montreuil-sur-Mer, où un local est loué pendant la campagne électorale, comme en 1910.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Jeudi 26 mars 1914. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré), à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_26_mars_1914&oldid=56342 (accédée le 15 novembre 2024).

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