Jeudi 25 janvier 1872 (A)
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (en séjour à Paris) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)
Paris[1]
25 Janvier 72
Chère bonne-Maman,
Vous êtes trop bonne de ne pas m'en vouloir de ne pas vous avoir encore écrit, je reconnais bien là votre tendresse et votre indulgence pour moi, aussi je viens vous remercier pour l'attention que vous avez eue en m'écrivant la première. Ce n'est pas faute de penser à vous, mais vous savez combien le temps passe vite à Paris, toujours anxieux qu'on est de faire ce qu'on ne fait pas dans le moment, on est toujours tiraillé, partagé et mécontent de soi, car on sent qu'on ne donne pas à chacun ce qu'on voudrait. Ainsi ce n'est qu'aujourd'hui que nous avons pu former le projet d'aller avec Charles[2] faire visite à Mme Fröhlich[3]. Ce que vous me dites au sujet de Mme Fröhlich me fait bien plaisir, je suis toute heureuse, pour vous, sachant votre tendre amitié pour Mme Fr. et ses filles[4], que vous ayez reçu une bonne réponse selon votre cœur.
M. Duméril l'ingénieur[5] est venu avec Georges[6], mais j'ai eu le regret de manquer sa visite, Charles seul a eu le plaisir de de les voir.
Charles a été tous les jours rue du Sentier avec Léon[7], ils ont beaucoup causé ensemble, se sont renseignés de toute façon, mais en fin de compte ils n'ont rien décidé ; au reste Charles écrit en ce moment à bon-papa[8] avec détails pour le tenir au courant de toutes choses. Oncle Léon est venu plusieurs fois nous voir, il a très bonne mine et chacun m'en a fait compliment.
Le temps est humide et désagréable depuis notre arrivée à Paris, aussi nous avons commencé par nous enrhumer toutes trois, les fillettes[9] vont bien maintenant, et pour moi je crois que ça va aussi en diminuant et que ce ne sera rien.
Maman[10] est, comme vous l'avez vue, bien courageuse, mais le cœur bien triste ; elle nous a casés le mieux possible et quoique à l'étroit nous sommes bien, et Alfred[11] a aussi tout ce qu'il lui faut, de sorte que nos pauvres parents peuvent encore avoir sous leur toit ceux qui leur restent ; ils ont bien besoin d'être entourés d'affection. Papa[12] va bien, mais je lui ai trouvé moins bonne mine qu'à maman.
Aglaé[13] est toujours la femme active et utile à chacun, son doigt va tout à fait bien.
Alfred s'occupe toujours de sa briqueterie qui marche bien, il vient de terminer les affaires de son pauvre ami Bayot mort pendant le siège.
Alphonse[14] travaille toujours à force toutes ses publications dans lesquelles il réussit si bien.
Hier j'ai mené mes 2 bonnes petites chéries au cours[15] où elles ont été accueillies comme vous le devinez, et elles sont rentrées aussi enchantées qu'Aglaé et moi de ces cours si bien faits et qui sont si bons au point de vue de l'éducation et du ton. Aussi vais-je prendre toutes les indications pour leur faire suivre les cours par correspondance, cela se fait pour beaucoup d'élèves et sera d'un bon guide pour moi afin de pouvoir continuer à les faire travailler quoique loin du centre des lumières. (Marie et moi sommes pour la province, Emilie au contraire trouve qu'elle s'arrangerait très bien de la vie de Paris).
Adieu, chère bonne-maman, nous sommes tous les 4 avec maman dans son petit salon, c'est vous dire que cette petite réunion (de 5) vous envoie de bons baisers et les meilleures tendresses que vous savez
Eugénie Mertzdorff
Bon-papa a droit à la moitié de ce que je vous adresse en notre nom et en celui de mes parents et d'Aglaé
Alfred et Alphonse vous remercient de penser à eux, ils vous envoient leurs respects.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Eléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich.
- ↑ Adèle et Marie Fröhlich.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
- ↑ Georges Duméril, fils de Charles Auguste.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le cours d’Aimée Sophie Élisabeth Boblet et Caroline Boblet, épouse d’Edouard Charrier.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 25 janvier 1872 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (en séjour à Paris) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_25_janvier_1872_(A)&oldid=40002 (accédée le 22 décembre 2024).
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