Mercredi 10 janvier 1872
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Mercredi 1h
Ma chère petite Gla,
réellement je n'en ai pas à te dire pour 50 c, mais cependant comme vous nous attendez prochainement je tiens à t'écrire quelques lignes pour que tu saches ce que nous faisons. C'est beaucoup m'avancer que de parler ainsi, car nous ne savons pas quel jour nous partons puisque cela est soumis à notre petit Founichon[1] qui, sans être malade, n'est pas tout à fait aussi gaillarde qu'il y a quelques jours. Les coliques s'en vont et l'état devient bon de ce côté, mais elle est fatiguée, ne s'est levée qu'à 11h et se plaignant de mal dans le côté gauche de la tête, on voit que le jeu n'a pas pour elle autant de charme, et elle reste le canapé, tu sais ce sont les signes qui font qu'on surveille la petite jeunesse ; mais j'espère que tout cela ne pronostique rien de mauvais et qu'un changement d'air ferait au contraire beaucoup de bien. Hier soir Melchior[2] le concierge a perdu une petite fille[3] de 5 ans de croup[4], tu sais malgré soi, ça impressionne toujours un peu.
Merci de ta bonne lettre, je profiterai de ce que tu me dis et prendrai des vêtements chauds, au reste mes malles seront vite faites, je n'ai pas l'embarras du choix pour mes fillettes[5] ni pour moi et c'est de beaucoup plus commode et le mieux, c'est comme cela que je l'entends ; au moins le deuil a cet avantage qu'on n'a pas besoin de s'occuper de sa toilette et ça va avec les idées et les pensées, je ne sais si tu es comme moi mais je trouve les choses de la vie si souvent de peu d'importance et le départ de ceux qu'on aime[6] est le meilleur enseignement pour comprendre et s'élever au delà...
Je ne pense pas que nous vous restions longtemps, nous reviendrons avec Charles[7] ; nous disons que nous partons pour 10 jours avec l'idée de rester 15 jours, je n'ai aucune course à faire je vais uniquement pour vous voir, être avec vous ainsi tu peux arranger notre temps comme tu voudras. Je te remercie de songer à procurer à mes petites filles la société de la jeunesse, elles en ont besoin et je reconnais là ta tendresse pour elle. Aussi elles le savent bien et ont pour toi une amitié comme pour personne autre après Charles et moi.
Certainement que nous irons voir Louise[8], tu sais que je l'aime bien ainsi que Cécile[9].
D'après ce que je vois encore d'Emilie aujourd'hui je ne pense pas que nous vous arrivions avant la semaine prochaine. Bien convenu que vous ne nous attendez pas tant que vous n'avez pas de dépêche vous fixant le jour et l'heure.
Charles est à Mulhouse, je vais aller promener Marie malgré la neige qui fond, nous ne sortons plus assez.
Adieu, Chérie, embrasse bien maman[10] et partage avec elle mes nos meilleures amitiés.
Les fillettes dévorent vos livres et vous embrassent encore
EM.
J'aimerais offrir au Jardin un lièvre vivant, serait-il bien reçu. Maman l'a vu dans notre basse-cour et personne ne veut que je le tue, il m'est d'un grand embarras, j'ai pensé en faire hommage à oncle Alphonse[11].
Notes
- ↑ Founichon, Emilie Mertzdorff.
- ↑ Melchior Neeff.
- ↑ Amélie Caroline Neeff.
- ↑ Le croup est une forme laryngée de la diphtérie.
- ↑ Emilie et Marie Mertzdorff.
- ↑ Allusion à Julien Desnoyers, tué un an auparavant.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 10 janvier 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_10_janvier_1872&oldid=41090 (accédée le 15 novembre 2024).
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