Jeudi 24 et vendredi 25 août 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Villers 24 Août 82

Voilà vraiment bien longtemps mon cher Papa que je ne suis venu directement t’embrasser et si je n’avais aussi grande confiance dans ton entourage je m’adresserais de vrais reproches, mais je sais que mes commissions en passant par tante[1] et Émilie[2] sont mieux faites que si je m’en chargeais moi-même, elles me représentent auprès de toi et te racontent par le menu les rares petites nouvelles que je trouve à leur donner, de plus ce sont elles qui me répondent et qui me causent une grande joie en me disant que tu vas mieux, tu verras, père chéri que mes prédictions vont s’accomplir et que petit Biribi[3] gentil viendra pour tes étrennes chasser le dernier souvenir de ton mal. Quel bonheur de te voir dans près d’un mois ! Je pense si souvent à notre bonne réunion d’Octobre que je voudrais y être déjà. Que je me réjouis de t’amener petite Jeanne[4] à Vieux-Thann ! Je voudrais bien que d’ici là elle ait fait quelques progrès mais en ce moment elle ne change guère, surtout au milieu de ses cousins[5] elle paraît fort Bébé. Elle nous amuse bien pourtant quelquefois, le soir Louise[6] amuse tous les enfants réunis autour d’elle en leur chantant de gentilles petites chansons qu’ils accompagnent de gestes ; on se croirait presque, en les voyant tous les 5, dans une salle d’asile[7]. Jeanne au bout de deux soirées a très bien retenu ce que faisaient sa tante et ses cousins et maintenant elle est vraiment drôle à voir, agitant ses mains comme il faut quand on chante de la [miste] en l’air ; de la [miste] en flûte &&& les instrument varient à l’infini.

L’autre jour elle avait vu Maurice marcher à 4 pattes, sur l’invitation de Marcel[8], pour imiter Krab[9] ; cela l’a frappée (car elle pense souvent à son vieil ami et rit quand on en parle) depuis elle marche aussi comme un chien et rapporte à 4 pattes une balle entre ses dents, puis au commandement de « Krab, couche toi ! » elle s’étend de tout son long par terre et lève un bras et une jambe qu’elle tient bien droits sans bouger. C’est elle qui a imaginé cela et ses cousins s’amusent beaucoup à le lui faire faire. Ce matin elle a joué au cheval parfaitement avec Maurice se laissant attacher les guides par Louis sans bouger et partant ensuite au galop au signal du cocher. Du reste Louis est a une grande influence sur elle et comme il a l’expérience des petits il sait très bien la diriger, lui faire monter l’escalier et rattacher au besoin le lacet de son soulier. Je suis bien contente de mon séjour avec mes neveux, je les connais bien à présent et je les trouve fort gentils. Ils devaient tous nous quitter demain ; mais Roger et Marcel ont été ce matin à cheval à Fleurigny et ont décidé avec Mme de la Serre qu’on ne partirait que Lundi. Marcel ira passer le 29 et le 30 à Paris pour reprendre de l’ouvrage et assister à la séance de la Cour. Puis nous partirons au Houssay probablement le 4 Septembre. Nous ne devions habiter la villa Cléo que jusqu’au 1er mais elle n’est pas louée et nous avons obtenu l’autorisation de prolonger de 4 jours. Nous en sommes bien contents car malheureusement notre mère[10] va s’installer à Trouville et n’arrivera au Houssay que quand nous en repartirons.

J’ai reçu avant-hier à ma grande joie et surprise une lettre de Lisbonne, oncle[11] venait de recevoir ma lettre et m’écrit pendant qu’on lève l’ancre. Il me donne en résumé les nouvelles que vous devez avoir.

25 Août matin. On m’a apporté hier soir la longue causerie d’Émilie dont je la remercie mille fois. Je suis si contente quand j’ai de bonnes nouvelles à lire ; je grillais d’envie de lui répondre ce matin mais ce ne serait pas raisonnable, je dois garder Jeanne pour laisser Nounou[12] faire son ouvrage. Embrasse bien pour moi mon cher papa cette petite sœur chérie, transmets à tante mes tendres amitiés et garde pour toi les meilleurs baisers de ta grande fille qui t’aime de tout son cœur

Marie


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie, auprès de Charles Mertzdorff avec Aglaé.
  3. Robert de Fréville, qui doit naître en décembre.
  4. Jeanne de Fréville.
  5. Les enfants Barbier de la Serre : Louis (9 ans), Étienne (7 ans), Maurice (4 ans) et René (2 ans).
  6. Louise de Fréville, épouse de Roger Charles Maurice Barbier de la Serre.
  7. Une classe d'école maternelle.
  8. Marcel de Fréville.
  9. Krab, ou Crab, le chien d'Alphonse Milne-Edwards.
  10. Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville.
  11. Alphonse Milne-Edwards, en expédition scientifique.
  12. Nounou probablement prénommée Marie.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 24 et vendredi 25 août 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Villers-sur-mer) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_24_et_vendredi_25_ao%C3%BBt_1882&oldid=39992 (accédée le 6 décembre 2024).

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