Jeudi 23 mars 1882 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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23 Mars 1882[1].

Enfin, mon cher papa, voilà une lettre de toi ! quel bonheur ! il y avait si longtemps que nous soupirions après des nouvelles de toi : sais-tu qu’il y a eu dimanche huit jours que nous avions reçu les dernières, et nous sommes aujourd’hui Jeudi, cela fait donc plus de 10 jours. Je t’assure que cela a paru long. Enfin je vois par la bonne lettre d’aujourd’hui que ce n’était pas mauvais signe puisque tu vas bien.

Voilà notre beau temps si exceptionnel changé en un temps gris et froid, il pleut souvent, neige quelquefois, mais sans que cela laisse aucune trace et on commence vraiment à trembler pour tous les pauvres petits bourgeons déjà si avancés.

Mlle Magdeleine[2] sort d’ici, nous repassons en ce moment l’architecture gothique et comme elle promène ses élèves tous les Vendredis, soit celles qui suivent le cours du Moyen Âge, soit celles du cours de la renaissance, je me joins à elles. Vendredi dernier nous avons été au Louvre et nous y retournerons encore demain.

Hier nous sommes sorties toute la journée tante[3] et moi : on a été commander un chapeau à Mlle Jeanne[4] qui est venue elle-même l’essayer, puis nous avons été chez le dentiste car pauvre tante a toujours bien mal aux dents. Le soir la famille est venue, c’était le dernier dîner avec tante Cécile[5] et Jean, ils partiront probablement demain ou peut-être seulement Dimanche si tante Cécile ne peut pas être prête avant. Jean est toujours ici à demeure, tu penses si je suis à mon affaire ; nous rions du matin au soir et nous nous taquinons à qui mieux mieux ; je regrette bien que cela ne puisse pas continuer longtemps. Du reste le jeune seigneur va bien mieux depuis qu’il ne travaille plus ; on le bourre de nourriture, il dort près de douze heures, c’est la vie qu’il lui faut.

Bonne-maman Duméril[6] a été un peu souffrante avant-hier, d’une sorte de migraine ; nous l’avons vue hier, elle allait mieux mais était encore fatiguée et ne devait pas sortir ; nous irons encore chez elle aujourd’hui en sortant de la Sorbonne. Quant à bon-papa il se porte à merveille.

Oncle[7] est parti ce matin à 7h pour faire des inspections du côté de Saint-Denis avec M. Chatin[8], c’est une corvée.

Je comprends que ton voyage à Colmar ait été bien pénible et bien ennuyeux, mon pauvre père. Que la pauvre Mme Henriet[9] est malheureuse !

Adieu, mon papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime. Quand donc viendras-tu ?

Émilie


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Mlle Magdelaine, professeur des beaux-arts.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  4. La petite Jeanne de Fréville.
  5. Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste Dumas, et mère de Jean Dumas.
  6. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (« bon-papa »).
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Joannès Chatin ou son père Adolphe Chatin ?
  9. Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 23 mars 1882 (A). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_23_mars_1882_(A)&oldid=39983 (accédée le 19 avril 2024).

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