Jeudi 23 mars 1882 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
Jeudi 23 Mars 82.[1]
Ma chère Marie
Tu as sans doute déjà connaissance de la lettre écrite à Émilie[2] hier au soir, je risque donc bien de me répéter en t’écrivant déjà, mais je ne laisserai certainement pas partir ma grosse lettre à Marcel[3] sans y ajouter un petit mot pour sa chère petite femme, qui m’écrit toujours si aimablement & me tient si bien au courant de ce qui se passe à Paris.
La dernière lettre d’Émilie ne me parle pas de Mme Trézel[4] ce que je considère comme bonnes nouvelles.
Si je ne vous ai pas encore parlé de ma visite à Paris c’est que fin du mois nous avons notre inventaire, où j’aime bien assister au moins les 2 & 3 1ers jours, le reste peut se faire sans moi.
Je viens cet après-midi d’écrire une lettre de 8 pages à Mme Henriet[5], comme tu le sais déjà son Mari a été condamné à 3 mois de prison. il est à l’ombre depuis 6 jours, & ce n’est pas un mal, car il a fait trop de mal à sa famille.
M. Zurcher[6] se prépare à aller habiter Épinal, Paul Baudry[7] fait ses paquets pour le Havre, ou la Nouvelle-Orléans. je n’en sais trop rien, de sorte que ces Messieurs ne sont pas tendres pour Madame Henriet & sa fille[8] ; la pauvre malheureuse femme m’a écrit une lettre lamentable, je lui ai fait une visite lorsque j’étais à Colmar pour l’interdiction de son Mari.
Je viens de lui écrire que si son Mari veut bien disparaître à tout jamais je m’occuperai d’elle pour qu’elle puisse rentrer dans sa maison, habiter un petit logement que l’on louait.
Je sais bien que je vais m’endosser bien des petits ennuis, mais il est impossible de voir une si malheureuse femme sans personne, surtout elle qui n’a jamais su faire quelque chose.
tu vois que je suis toujours le même car avec ces Dames ce ne sera pas facile d’autant que je crains que le Monsieur lorsqu’il sera ennuyé dans sa retraite ne reparaisse. Il est bien convenu, & c’est pour cela qu’il m’a fallu payer, que j’abandonne la partie ou que je ne la commence pas. Il faut que Gabrielle se mette à travailler, quitte ses grandeurs pour se mettre à tout.
En somme la pauvre Célestine n’aura pas grand plaisir à me lire, mais je tenais à ce qu’elle sache la vérité.
Ce que cela va devenir je te le dirai.
Je compte bien recevoir bientôt une nouvelle lettre de toi m’entretenant de vos projets de venir chez moi[9] ; ce serait bien gentil, mais il ne faut pas que cela ne soit que pour quelques jours, le voyage est long & fatiguant comme tu sais. Mais il y a 18 mois que vous l’avez pas vu votre village & nous le trouvons bien long. Nous avons bien mauvais temps, il neige, les Montagnes sont recouvertes d’une bonne couche blanche & ce matin il y avait de la glace avec - 1 ½ °.
il est vrai que le baromètre remonte mais pour cette nuit je m’attends encore à de la glace. Et les arbres sont en partie en fleur ! Un certain Magnolia blanc qui est toujours le premier à fleurir est gelé ou ses fleurs gelées chaque printemps depuis 70 ; il est probable que cette année va ressembler aux précédentes. A peu près tous les arbres ont des feuilles, le jardin est vert ou peu s’en faut. Mais il neige !
l’état hygiénique serait assez satisfaisant, sans quelques grippes & quelques fluxions de poitrine.
En somme le temps n’est pas tout à fait favorable aux voyages. Mai serait plus agréable, si l’on pouvait le choisir.
C’est aussi un peu sur vos projets que je vais régler les miens, j’espère passer Pâques avec vous, soit ici soit à Paris. Il est 11 h du soir je te quitte non sans te prier de bien embrasser Jeannette[10] pour moi. je vois que je constaterai de grands progrès.
je t’embrasse de cœur
ton père
ChsMff
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marcel de Fréville.
- ↑ Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
- ↑ Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
- ↑ Léopold Zurcher, époux de Marie Henriet.
- ↑ Paul Baudry, époux de Jeanne Henriet.
- ↑ Gabrielle Henriet.
- ↑ Voir la lettre du vendredi 17 mars 1882.
- ↑ Jeanne de Fréville.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 23 mars 1882 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_23_mars_1882_(B)&oldid=39984 (accédée le 21 novembre 2024).
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