Jeudi 1er octobre 1874

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1874-10-01 pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-10-01 pages 2-3.jpg


Paris le 1er Octobre 1874.

Mon père chéri chéri,

Nous voilà arrivés, et arrivés à très bon port. Notre voyage s’est parfaitement passé nous n’avons eu aucun ennui et ne sommes pas trop fatigués car il n’est que 3h et tout est défait et rangé. Il est vrai de dire que nous n’avons pas fait grand-chose mais <bien> tante[1] qui depuis ce matin va et vient dans toute la maison.

Nous avons été tout le temps seuls dans notre compartiment ; à Mulhouse nous avons vu bonne-maman[2] et oncle Léon[3] qui sont restés avec nous jusqu’au départ du train. Vers 7h nous avons ouvert le sac aux provisions et nous avions fini notre repas bien avant d’arriver à Belfort.

Il n’y avait presque personne dans le train, quelques anglais et deux familles alsaciennes aussi avons-nous été seuls tout le temps. Après Belfort nous avons commencé à dormir Emilie[4] et Jean[5] étaient étalés sur deux banquettes les autres assis. J’ai bien dormi, seulement j’ai cherché jusqu’à Paris une bonne position chose que je n’avais pas encore découverte en arrivant.

A la douane nous n’avons eu aucune difficulté même la chose ne s’est faite trop peu consciencieusement car le chef étant absent l’employé n’a pas voulu nous faire payer pour la pièce de Cécile[6].

Ici tout le monde nous attendait et paraissait bien content de nous voir. M. Edwards[7] même contre son habitude était là car chose surprenante depuis notre départ il se lève à 6h et va dans la ménagerie[8] il se porte parfaitement mieux que jamais. Quand à Miss[9] elle a fait un accueil ravissant à son maître et a eu de fortes émotions heureusement dans la petite cour.

Nous avons pris le café puis sommes montées dans notre chambre nous nettoyer et nous arranger. Mme Dumas[10] est venue pendant ce temps, elle pense déménager vers le 15 de ce mois mais elle n’a encore rien pu faire car le M. n’a pas encore quitté l’appartement de la rue de L’Estrapade. Mme Trézel (Camille)[11] est installée depuis deux jours rue des Boulangers.

Mon père chéri, pendant que j’y pense oncle[12] a cherché le papier à la place indiquée et l’y a parfaitement trouvé il l’a laissé à cette place car tu ne le désires pas n’est-ce pas ?

Marthe[13] vient d’arriver à 1h les deux amies[14] se sont retrouvées avec un bien grand plaisir et ont déjà fait une bonne partie de jeux et par conséquent de rire.

En arrivant nous avons trouvé un temps affreux il pleut sans cesse et il fait fort sombre si je n’étais qu’en passant je pourrais mettre dans mon journal, à Paris il pleut toujours. Ce temps dure déjà depuis plusieurs jours aussi est-il bien probable que vous l’aurez sous peu ce serait contrariant pour les vendanges.

Mon petit père chéri, que c’est ennuyeux de n’être plus ensemble, c’était si bon de nous voir ainsi continuellement ! enfin nous ne devons pas trop nous plaindre car si le mois de 7bre a passé si vite celui-ci passera de même et alors nous serons réunis de nouveau. Quelle différence entre notre vie et celle d’une pensionnaire qui ne voit jamais ses parents.

Ecris-nous vite je t’en supplie mon petit père mignon c’est si agréable de recevoir tes bonnes lettres à la bonne heure cela vaut la peine du moins ; tandis que les miennes ce ne sont que des petites horreurs.

Adieu, mon petit papele chéri je t’embrasse de toutes mes forces. Si tu savais comme je t’aime !

Ta fille qui t’embrasse un 1000000 de fois

Marie

Marthe me fait dire bien des amitiés. Emilie qu’elle t’aime énormément et qu’elle t’embrasse bien fort. Tout le monde du reste se joint à elles deux


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Léon Duméril.
  4. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  5. Le petit Jean Dumas.
  6. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  7. Henri Milne-Edwards.
  8. Ménagerie du Jardin des Plantes.
  9. Miss, la chienne d’Alphonse Milne-Edwards.
  10. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  11. Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel.
  12. Alphonse Milne-Edwards.
  13. Marthe Pavet de Courteille.
  14. Marthe Pavet de Courteille et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 1er octobre 1874. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_1er_octobre_1874&oldid=39922 (accédée le 15 novembre 2024).

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