Jeudi 19 avril 1917
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
19 Avril[1]
Mon cher enfant,
Ta longue lettre du 12 est venue nous faire partager ta vie, un peu tes fatigues, beaucoup ton entrain et ton espoir. Nous avons d’ailleurs à vous féliciter tous du bon ouvrage que vous faites. Sans doute vous aviez rêvé d’avancer davantage et d’aller plus vite en besogne et vous vous heurtez à de grosses difficultés qui ne rendent que plus méritoires vos succès. Bon courage pour continuer !
J’ai été, au reçu de ta lettre, prendre des nouvelles de ton Commandant[2]. Mme Marc[3] était partie le matin même pour Amiens où il est hospitalisé et sa belle-mère[4] était sortie, mais la bonne pensait que l’on n’avait pas d’inquiétude.
Quel temps il fait ! il y a bien lieu d’attraper une bronchite par cette humidité si froide, ces rafales de vent et de neige. Et vous devez rester mouillés bien longtemps sans doute. Je plains surtout les pauvres fantassins. Quelle rude existence !
Lucie[5], à cause de cet affreux temps, n’a pu sortir encore. Henri est à Hazebrouck ; je pense qu’il rentrera cette nuit ou demain.
Je regrette que les colis soient si lents à t’arriver. Je n’ai pas assez compté avec ces longs délais, et je crains que certaines choses n’arrivent pas en bon état, le veau notamment. J’ai eu aussi une idée malencontreuse, me dit Michel[6] en t’envoyant des camemberts et surtout sans doute du pain complet et de la langue en sandwichs ! Le 12 je t’ai envoyé un morceau de bœuf mode aux carottes en gelée fait par Bertha[7].
le 13, ½ livre de beurre frais
le 16 une boîte de 40 tablettes de chocolat et les sandwichs
le 17 un fromage de Hollande en boîte de fer blanc et une noix de jambon et du lait sucré
aujourd’hui 19 un saucisson et un autre colis contenant 6 œufs frais et du beurre. Les œufs viennent d’arriver de Brunehautpré.
Nous avons eu Dimanche soir la visite de ton oncle Paul[8] et de Cécile[9] qui se rendaient à Caen pour affaires d’argent (c’est le Tours de ton oncle). La pauvre Laure[10] est bien inquiète de Jules. Elle pourrait l’être aussi pour Cagnicourt[11], mais les préoccupations matérielles passent au second plan.
Je t’embrasse tendrement, cher petit. Je t’envoie une médaille qui remplace le scapulaire, ne me rappelant pas si tu en as une. Mets-la simplement dans un coin d’une poche ou de ton porte-monnaie. En ce moment, il ne faut rien négliger.
Emy
Jacques[12] n’est peut-être pas loin de toi, mais Elise[13] est sans nouvelles depuis 4 ou 5 jours.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Le commandant Charles Marc.
- ↑ Marie Marthe Petit, épouse de Charles Marc.
- ↑ Marie Audebert, veuve d’Henri Marc, belle-mère de Marie Marthe Petit (ou bien Françoise Triadou, veuve Petit, belle-mère de Charles Marc).
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Bertha, domestique.
- ↑ Paul Froissart.
- ↑ Cécile Dambricourt, épouse de Maximilien Froissart et belle-fille de Paul Froissart.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
- ↑ Laure Froissart et Jules Legentil sont propriétaires à Cagnicourt (arrondissement d’Arras).
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 19 avril 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_19_avril_1917&oldid=53707 (accédée le 15 novembre 2024).
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