Jeudi 13 février 1919 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1919-02-13 A page 1.jpg original de la lettre 1919-02-13 A page 2.jpg


Paris 13/2 19

Mon cher Louis,

Il me semble que tu m’avais promis de m’envoyer (le lendemain d’un certain 24 janvier où tu nous écrivais) un état signalétique et de service, lequel devait établir, plus officiellement (que ce que je pouvais dire de mémoire) que tu avais été maintenu dans la Réforme après avoir été visité par application de la loi Dalbiez[1] et créer une présomption que tu restais sous le coup des suites de l’otite qui t’avait fait réformer temporairement. Tu devais y joindre une demande écrite de ta main. Rien de tout cela n’est arrivé !

Tout cela devait m’arriver au lendemain du jour où, réduit à ma seule force, j’essuyais un insuccès : J’avais l’intention de porter tout cela au Ministère et de redire, ce que j’avais dit déjà, qu’une permission de 48 heures permet de subir, à nouveau, l’épreuve et que [considérer] un mobilisé qui aurait tenté cette épreuve dans ces conditions en 1915 sans avoir eu aucun temps pour re-préparer l’examen raté en juillet 1914 comme ayant, de ce chef, perdu tous droits à bénéficier des dispositions bienveillantes du Ministre[2] en date du 19 Xbre 18, cela paraît peu justifiable au point de vue « équité », mais, je me proposais d’ajouter que [entre] le monsieur qui a utilisé la permission de 48 heures pour affronter l’examen et toi à qui le médecin qui t’a sauvé déclare avoir déconseillé de te présenter, pour raison de santé il n’y a aucune différence appréciable. Le Docteur Luc avait bien parlé sur mon [indication] de ton maintien en réforme après la loi Dalbiez mais il manquait ton état signalétique à l’appui.

Voilà dans quel sens [J’estime] qu’il y [aurait] à faire, mais puisque tu ne m’as rien envoyé il vaut autant que tu te présentes en personne avec tes pièces, au cours de ta prochaine permission. C’est à tenter mais il y a plus de certitude de succès en préparant l’examen hélas.

Sais-tu que Pierre[3] [parce] que le secrétaire avait remis à Michel[4] le papier établissant son admission d’office à l’examen raté, (et dont [  ] j’ai payé le diplôme !!, a reçu, depuis, un papier disant du secrétaire disant que, par ordre, il vient dire à Pierre qu’il n’est pas reçu n’étant pas dans les conditions strictes du décret du 19 Xbre 1918.

Est-ce parce qu’il n’a pas établi que, présent aux écoles à feu de son régiment en juillet 1914 (à la veille de la déclaration de guerre) il avait assez le sentiment de ses devoirs militaires pour ne pas demander une permission en vue de réparer son échec. C’est possible et Pierre a tenté plusieurs fois, au cours de sa permission, de voir le secrétaire de la Faculté pour qu’il lui dise (s’il le sait ?) si c’est à défaut d’un certificat établissant cet empêchement matériel, empêchement qui résulterait officiellement de la production d’un état signalétique et de service, qu’il a perdu le diplôme.

Pierre est parti (assez maladroitement, à mon avis) sans avoir su, en 5 jours, rencontrer ce secrétaire de Faculté parce qu’il ne lui plaisait pas de se rendre libre de s’y présenter à la bonne heure. Peut-être écrit-il dès sa rentrée à Epinal (où il est [  ] désormais) pour envoyer la pièce ?

Mais avec les subtilités qu’il faut s’attendre à rencontrer chez les professeurs de droit, on peut dire « vous étant présenté en juillet 1913 vous vous êtes, de nouveau, présenté (sans succès) en novembre 1913 : vous n’êtes donc pas de ceux que leurs obligations militaires ont empêché de réparer un échec subi en juillet 1913 et 1914 parce que, en fait, vous vous êtes présenté : vous n’êtes pas dans le cas prévu ! »

Michel paraît préoccupé de faire coïncider sa prochaine permission avec la tienne : Il commande la section rajeunie qui est résultée de la fusion de 2 sections. Il attend un adjoint à qui il passera le commandement. Il parle (dans une lettre que son ex-lieutenant Lacambre en permission nous montrait il y a 2 jours) d’un départ avec sa section pour Mayence et ultérieurement pour le [Maroc]. Il n’en dit rien dans une lettre du 11 Février qui nous parvient. Il est plus avantageux de lui écrire par le Secteur Postal 101 dit-il. Ils sont bloqués par la Neige. [Pour voir du pays ou du Comté il avait un bel emploi qu’il a perdu à Grand Villers].

Que te dirai-je ? Que 2 malles de Mme de Fréville mère[5], Mlle Françoise de Fréville[6], égarées pendant plusieurs mois au départ de Livet et contenant des livres de Philo prêtés par toi, sont retrouvées !

Que (autant qu’on peut prévoir tant qu’il n’y a pas un contrat signé), j’ai preneur à 10 F du mètre carré (puisque j’ai accepté par lettre, pour 3 hectares 25 ares à côté de la [soufrerie]. que j’ai eu à me démener pour faire lever des oppositions. Mais l’Espagne tient, de beaucoup, le record comme entrave à la mainlevée [d  ] par moi : ils veulent [b ] [m ] avec cette mainlevée ! Sais-tu que Marguerite Froissart[7] a une petite fille Marie depuis 4 ou 5 jours (à Hallines). Mau[8] a rejoint au 1er d’artillerie au Havre il y a 10 jours.

Ma vente de Montbard blanche peut-être à la suite d’une longue [  ]

Amitiés,

D. Froissart

Impossible de trouver Bischwiller sur les cartes que je possède et qui s’arrêtent au Nord à la latitude d’Hochfelden et à l’est à la longitude de Kehl. J’ai regretté pour toi [ ] mais tu [paraissais] revenir vers l’intérieur quand tu écrivais le 7 et peut-être [es-tu en marche ?] Est-ce que ça retarderait ton départ en permission ?


Notes

  1. Victor Dalbiez (1876-1954), députés républicain radical-socialiste des Pyrénées-Orientales de 1909 à 1919, propose et fait adopter en août 1915 une loi pour assurer une plus juste répartition et une meilleure utilisation des hommes mobilisés ou mobilisables.
  2. Louis Lafferre, ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts de novembre 1917 à novembre 1919.
  3. Pierre Froissart, frère de Louis.
  4. Michel Froissart, frère de Louis.
  5. Marie Mertzdorff, veuve de Marcel de Fréville.
  6. Françoise de Fréville qui a épousé Fernand de Miribel en septembre 1918.
  7. Marguerite Dambricourt, veuve de Jean Froissart
  8. Probablement Maurice Dambricourt, frère de Marguerite.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 13 février 1919 (A). Lettre de Damas Froissart (Paris) à son Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_13_f%C3%A9vrier_1919_(A)&oldid=62132 (accédée le 22 décembre 2024).

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