Dimanche 30 novembre 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1879-11-30 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-11-30 pages 2-3.jpg


Paris 30 Novembre 1879.

Mon cher Papa,

Comme tu es gentil de nou[1]s avoir écrit tout de suite en arrivant aussi je t’assure que ta petite missive a été la très bienvenue ce matin ; nous étions si préoccupés de te voir faire ce voyage par un si le grand froid que nous avons été heureuses d’apprendre que tu n’en avais pas par trop souffert ; nous étions honteuses Vendredi soir de nous fourrer dans nos bons lits bien chauds en pensant que tu allais toute la nuit être exposé au froid et je t’assure que si nous avions pu nous mettre à ta place nous l’aurions fait de bien bon cœur. Notre nuit à nous s’est très bien passée en compagnie de Marthe[2] comme tu sais et le lendemain matin à 6h nous avons exactement obéi à la voix un peu criarde de notre réveille-matin. Nous avons terminé nos devoirs d’allemand et d’anglais puis je me suis mise à peindre la jolie petite rose que nous avions achetée ensemble ; Tante Louise[3] arrivée de Mesnières à minuit est venue déjeuner avec nous ; elle est très contente de son voyage elle a trouvé ses trois fils[4] en parfaite santé et très heureux de leur vie là-bas ; il paraît que tout le monde a été charmant avec Mme Pavet. A 101/2 tante Louise a repris possession de sa fille[5] et nous avons eu notre leçon d’allemand, toujours même enthousiasme pour Mlle Jacobsen. Ensuite il a fallu ranger le linge de la blanchisseuse et partir au cours de chimie où on nous a parlé de la nomenclature au grand désespoir d’Émilie, enfin tante[6] nous a conduites au cours d’anglais[7] d’où nous sommes revenues avec Mme Pavet.

Ce matin nous avons été à la messe de 8h avec tante puis chez bonne-maman Desnoyers[8] qui depuis 2 jours est un peu souffrante ; Vendredi soir (jour où nous l’avions vue) elle a été prise au moment de se mettre à table, de mal de cœur et de vomissements puis cela s’est passé et hier elle allait bien de nouveau, seulement le soir à la même heure elle a été souffrante de la même façon. Aujourd’hui elle n’était pas mal mais cependant elle est restée dans son lit ; elle n’a point de fièvre et j’espère que ce ne sera qu’un petit malaise passager ; néanmoins comme M. Dewulf[9] revient de Rome cette nuit on lui demandera d’aller la voir un de ces jours.

Figure-toi mon cher Papa que demain ta chambre va être occupée et ton étonnement redoublera encore quand je te dirai par qui ; par bonne-maman Trézel[10] ! oui mon Papa, bonne-maman Trézel ! tu n’en reviens pas mais je vais te dire pourquoi ; sa bonne, Élisa, a appris ce matin que sa nièce venait d’avoir deux petits enfants et qu’elle était très malade et elle a de suite voulu partir ; or comme Mme Trézel n’a qu’elle on lui a tout de suite offert l’hospitalité pour les quelques jours que durerait l’absence d’Élisa et elle a accepté. Donc quand tu penseras à nous cette semaine tu verras Mme Trézel dans la maison, je prétends que c’est comme si elle allait en visite à la campagne seulement le voyage ne sera pas long puisqu’il ne s’agira que de traverser la rue Cuvier.

Il est 4h1/2 ; Jeanne B.[11] et Émilie sont en haut et déchiffrent ensemble ; moi je t’écris du cabinet d’oncle[12] où j’ai passé ma journée ; j’ai travaillé pendant près de 4 heures à peindre une magnifique orchidée qu’on m’avait envoyée des serres.

Adieu, mon papa chéri, chéri, que j’aime, je t’embrasse aussi fort que possible.
Ta petite Marie.

J’embrasse bien bon-papa et chère petite bonne-maman[13] auxquels j’espère que tu as fait toutes nos commissions de tendresses et d’amitiés.


Notes

  1. Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  2. Marthe Pavet de Courteille.
  3. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  4. Alphonse, Joseph et André Pavet de Courteille
  5. Marthe Pavet de Courteille.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  7. Cours d’anglais avec Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  9. Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.
  10. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  11. Jeanne Brongniart.
  12. Alphonse Milne-Edwards.
  13. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 30 novembre 1879. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_novembre_1879&oldid=42447 (accédée le 19 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.