Dimanche 27 novembre 1870

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à Félicité Duméril (Morschwiller)


original de la lettrte 1870-11-27 pages2-3.jpg


Dimanche 27 9bre

Chère bonne-Maman,

J'espérais que nous aurions pu aller passer en famille la journée de demain à Morschwiller, mais on manque de chevaux et Ignace[1] est obligé d'aller demain à Mulhouse, les chevaux seront trop fatigués pour les remettre en route le lendemain,... voilà donc notre projet remis à je ne sais quel jour. Nous avons cependant bien grand désir de vous aller trouver ; notre pensée est continuellement avec vous. On a le cœur partagé par tant d'émotion. Et vous deux, chers parents, toujours si courageux, vous voilà tous deux tout seuls, suivant votre cher fils[2] par dans le voyage qu'il entreprend pour contribuer à délivrer notre pauvre France. La pensée que c'est pour l'accomplissement d'un devoir sacré qu'on souffre donne du courage pour supporter tant de tristesse.

On s'attend à apprendre quelque grande nouvelle... mais cette anxiété continuelle est lourde... Enfin courage espérons que Dieu jettera un regard de miséricorde sur notre malheureux pays !

Nos bonnes petites fillettes[3] vont bien, toujours bon entrain, et bon travail. En ce moment les amies Berger[4] sont là, et après avoir été aux Vêpres les 4 fillettes viennent de goûter en forme de dînette, elles ont fait du chocolat sur la lampe à esprit de vin, et des pommes au four ; vous jugez du plaisir c’est une imitation du plaisir qu'on a eu à Morschwiller.

Hier notre village a été réquisitionné d'une vache pour Cernay et pour le 7 le canton doit payer 18 mille francs !

Devant Belfort, on dit que les pertes prussiennes ont été considérables.

J'ai reçu hier un petit mot de Paris daté du 27 octobre, tout le monde allait bien.

Nos jeunes gens sont partis hier matin ayant Jules André à leur tête ; ils auront retrouvé Léon à Bâle je pense.

Adieu, chère bonne-Maman, je vous embrasse bien fort, Charles[5] et les enfants en font autant et nous nous réunissons pour vous envoyer ainsi qu'à bon-papa[6] nos meilleures amitiés.

Votre bien affectionnée

Nie M.


Notes

  1. Ignace Vogt, cocher chez les Mertzdorff.
  2. Léon Duméril.
  3. Marie et Emilie Mertzdorff.
  4. Marie et Hélène Berger.
  5. Charles Mertzdorff.
  6. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 27 novembre 1870. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à Félicité Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_27_novembre_1870&oldid=39586 (accédée le 19 avril 2024).

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