Dimanche 20 mars 1859

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)

Original de la lettre 1859-03-20-pages1-4.jpg Original de la lettre 1859-03-20-pages2-3.jpg


Vieux Thann

20 Mars 1859

Je ne puis te dire, ma chère Maman, combien je suis heureuse en pensant que dans 3 jours 1/2, tu seras ici près de nous ; mon plaisir est d'autant plus grand que je te recevrai chez moi ce qui me paraît pourtant encore tout singulier. Nous commençons à être bien installés et à prendre nos habitudes dans notre bel appartement que tu trouveras trop beau, je le crains.

Je suis bien contente de ma femme de chambre[1] elle est très active et fait très bien ce qu'elle fait ; elle a beaucoup cousu cette semaine aux vieilles chemises de Charles[2] qui réclament de nombreux travaux à chaque lessive.

Nous avons toujours bien des choses à faire et je crains, ma pauvre maman, que tu ne trouves terriblement à employer tes journées, Charles se moque de moi parce que je mets bien souvent des choses de côté en disant : oh maman aura la bonté de faire cela. Je n'ai pas encore eu le temps de faire les petites taies d'oreiller pour le berceau ; je n'ai pas une brassière ni un bonnet pour le second âge, ainsi tu vois si ton aiguille aura le temps de se rouiller. Nous avons une nourrice d'arrêtée, qui ne viendra, bien entendu que si nous en avons besoin ; nous lui donnerons 40 F si j'ai le bonheur de pouvoir nourrir et ce sont 40 F qui me feront bien plaisir à donner. Maintenant nous sommes, je crois bien prêts. Hier je suis allée à confesse, M. le Curé[3] qui est si bon a bien voulu me confesser à 7 heures quoique ce ne soit pas son habitude et ensuite pour que je ne sois pas fatiguée il m'a donné lui-même la communion sans que j'attende une messe.

Nous comptons sur toi pour Jeudi matin à 9 h 1/2 car Charles vous a dit, n'est-ce pas, que le chemin de Belfort ne présente plus aucun danger et que le service s'y fait très régulièrement ; cette voie te sera bien plus agréable, on n'a à changer de train qu'une fois à Mulhouse et on est 3 ou 4 heures de moins en route. Je voudrais bien que ce voyage fût terminé car ce n'est pas trop agréable pour toi d'aller ainsi seule la nuit, enfin nous tâcherons de bien te faire soigner et reposer et papa[4] peut compter sur nous. Ici on s'informe beaucoup de toi et du moment de ton arrivée. Les Henriet[5] me chargent toujours de mille choses pour vous. Les Zaepffel[6] ne sont restés que 2 jours ici et encore Emilie a eu la migraine, ils partent pour Paris dans une quinzaine de jours et y resteront je pense quelque temps ; Edgar se réjouit de ce voyage, ce qui se comprend bien puisqu'il ne connaît pas Paris. Je viens de recevoir une <lettre > d'Aglaé[7] qui m'annonce une boîte à l'adresse de Baby, tu comprends combien cela me fait plaisir et combien je suis touchée de sa bonté.

Si tu peux faire encore une rafle dans toutes les vieilles boîtes et cartons qui ne te servent pas, j'en serai bien contente car cela me manque beaucoup pour faire mes rangements. Aurez-vous encore le temps avant ton départ de vous procurer de quoi faire une seconde paillasse de berceau, je ne sais si c'est de la fougère et je crains qu'une seule soit insuffisante. J'aimerais bien aussi de la poudre de lycopode[8]. Mille pardons de te donner ainsi de l'embarras jusqu'au dernier moment. Pour le tableau que m'a laissé ma cousine Élisa[9], je serai bien aise qu'il soit encadré ; papa décidera et fera faire la chose pour le mieux. Je crains que ce pauvre père n'ait fait de fameuses corvées avec Ronner[10] car il est bavard et ne vous lâche pas facilement. Je ne dis rien de l'affaire meubles parce que je sais que Charles y a répondu.

Adieu ou plutôt à bientôt ma chère maman je me réserve le plaisir de t'embrasser moi-même mais nous envoyons à papa les choses les plus affectueuses et nos remerciements pour le sacrifice qu'il fait en te laissant partir.

Tout à toi

Caroline M.

Que de choses j'aurai à te demander sur les uns et sur les autres. Je suis vraiment honteuse de n'avoir pas encore répondu à cette pauvre petite Adèle[11], fais-lui bien mes excuses, je t'en prie, remercie-la bien de sa gracieuse attention qui m'a beaucoup touchée et donne-lui deux bons baisers de ma part.

Certainement qu'une couverture me fera grand plaisir voici les mesures de celle en piqué qui était sur le berceau 95 cm de long sur 70 cm de large, je crois que vert et blanc sera très joli et ira très bien dans notre chambre.


Notes

  1. Marie Martin.
  2. Charles Mertzdorff, mari de Caroline.
  3. Pantaléon Jérôme Hirn (1806-1891), curé de Vieux-Thann depuis 1838.
  4. Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig.
  6. Émilie Mertzdorff, sœur de Charles, a épousé en seconde noce, Edgar Zaepffel.
  7. Aglaé Desnoyers, amie de Caroline.
  8. La poudre que forment les spores du Lycopode officinal est utilisée contre les irritations de la peau, au même titre que le talc.
  9. Élisa Duméril (1796-1859), fille d’un premier mariage de Jean Charles Antoine Duméril, dit Duméril, frère d’André Marie Constant, vient de mourir.
  10. Le tapissier alsacien des Mertzdorff, venu faire des achats à Paris.
  11. Adèle Duméril, cousine germaine de Caroline.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 20 mars 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_20_mars_1859&oldid=60146 (accédée le 21 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.