Dimanche 19 juillet 1868
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Villers Dimanche 1h
Mon cher Charles,
Hier soir est arrivée une seconde lettre d’oncle Georges[1], mais trop tard pour que je puisse encore te la faire parvenir à Paris, je vais donc te la renvoyer à Thann, car je pense que tu partiras ce soir sans faute pour l’Alsace. Tu dois être bien fatigué.
Je te remercie bien d’être resté avec mes parents[2] et tous les frères[3] à Paris car je sais tout ce que tu vas trouver de besogne en arrivant et que c’est ton repos du Dimanche que tu as sacrifié à une concession de famille. J’ai ce matin une lettre de maman et elle paraît bien contente de vous avoir à dîner tous. J’ai bien pensé à toi hier soir, la promenade sur le boulevard ne t’aura pas trop diverti. Ici nous continuons à aller tous bien. Nos voisins du dessous sont arrivés ; rien de remarquable jusqu’ici, 3 dames et un Monsieur.
Hier dès 3h nous[4] revêtions les enfants[5] de leur costume de bain et les emmenions barboter à marée basse en attendant l’heure du bain, les petits pieds nus pataugeant à la grande satisfaction de leur propriétaire sur le sable mouillé, puis l’eau nous gagnant nous sommes venues nous installer sur le sable sec lorsque M. et Mme Schlumberger sont venus nous faire leur visite ; une jeune dame de leur connaissance passe, ils se lèvent et la font asseoir avec nous sur le sable et ils sont ainsi restés avec nous jusqu’à l’heure du dîner, ce qui fait que nos choux n’ont pris leur bain qu’à 6h 1/2 avec le baigneur, ce n’était pas si amusant qu’avec ce cher bon père, mais ce matin la mer battait son plein à 10h et j’en ai profité pour les faire baigner à 11h moins ¼. Je suis convenu avec le baigneur de les faire un peu nager, ça a très bien réussi, et elles se sont beaucoup amusées à faire la planche, à essayer les mouvements et elles comptent bien aller à ta rencontre à la nage quand tu nous reviendras, car chacun au fond de son cœur, soupire après le bonheur de te revoir et ta petite femme surtout qui garde cela pour elle, et pense à tout ce que la maison renferme de souvenirs tristes pour toi[6], ami chéri, et d’un autre côté tu vas trouver tant de besogne que je crains que tu ne te fatigues trop. Promets-moi de te ménager ; tu sais tu en as laissé trois à Villers qui ont bien besoin de toi et qui t’aiment plus que tout.
Depuis ton départ, il est arrivé beaucoup de monde ; la route est très animée, il passe continuellement des équipages, voitures de toutes formes.
Le temps est toujours beau et la marée nous paraît plus forte, on voit beaucoup de vaisseaux de pêche ; cette vue de la mer nous paraît toujours de plus en plus belle, les falaises du Havre nous paraissent sont magnifiquement éclairée, c’est splendide, mais triste de jouir de cela sans toi.
Je ne doute pas que Thérèse[7] ne fasse tout pour te bien soigner, dis-lui bonjour de ma part et que je m’en rapporte à elle pour tout ce dont nous sommes convenues avant mon départ.
J’espère que tu voudras bien faire toutes mes amitiés à oncle et tante Georges[8] et leur dire que nous pensons encore à eux et que nous rentrerons avec plaisir dans notre Vieux-Thann malgré toutes les belles choses que nous sommes allés voir. Il nous semble qu’il y a déjà bien longtemps que nous avons quitté.
Petit Jean dort, nous allons retourner sur la Plage. Hier j’ai écrit à Colmar[9] et à Bourguignolles.
Adieu, mon cher Charles, écris-moi souvent je t’en prie, dis-moi toute chose, tu sais bien que tout m’intéresse, et que mon cœur et ma pensée sont toujours auprès de toi. Je trouve nos petites filles déjà brunies, et déjà avec un bon teint ; elles t’embrassent de de tout cœur comme je le fais moi-même.
Ta petite femme chérie
Eugénie Mertzdorff
Notes
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Alfred et Julien Desnoyers ; Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers, beau-frère.
- ↑ Eugénie est à Villers en compagnie de sa sœur Aglaé.
- ↑ Leurs filles Marie et Émilie Mertzdorff, et le petit Jean Dumas.
- ↑ La mère de Charles, Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, est décédée le 20 février 1868 ; elle habitait Vieux-Thann.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Élisabeth Schirmer.
- ↑ La belle-sœur d’Eugénie, Émilie Mertzdorff, et son époux Edgar Zeapffel, habitent Colmar.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Dimanche 19 juillet 1868. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_19_juillet_1868&oldid=60095 (accédée le 15 novembre 2024).
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