Dimanche 10 avril 1864

De Une correspondance familiale


Lettre de Félicité Duméril (Morschwiller) à Eugénie Desnoyers, future épouse de son gendre veuf (Paris)


Morschwiller 10 Avril 1864

Je t'ai sans cesse sous les yeux, ma bien chère enfant, et je te vois entre nos chères petites[1] qui te prodiguent à l'envi caresses et doux regards. les voilà donc auprès de toi ! Cette pensée me soulage, et dans ma douleur[2] qui ne peut cesser qu'avec ma vie, je sens cependant que le bon Dieu vient aujourd'hui à mon aide pour me soutenir et me donner confiance dans l'avenir. Sur tes genoux, dans tes douces paroles, nos chères petites retrouvent celle dont la tendresse était si profonde et qui te bénit de redonner à ses pauvres petits enfants une mère jeune et parfaite – oui je confonds ton mérite avec celui de ma bien aimée fille, toutes deux n'aviez-vous pas le même cœur, la même justesse d'esprit, les mêmes sentiments, le même besoin de vivre l'une dans l'autre. Ta tendre mère[3] m'écrit : c'est avec bonheur que je reporterai sur vos chères petites-filles l'amitié que je ressentais pour votre chère enfant. Vous savez que j'aimais la regarder comme ma troisième fille. et moi de mon côté, il y a longtemps que toi et Aglaé[4], je vous ai adoptées pour mes filles sentant profondément et vivement tout ce qui était relatif à l'une et à l'autre.

Nous attendons une lettre de notre cher Charles[5], il sait combien les plus petits détails sont pour nous remplis d'intérêt, le bon M. Heuchel[6] m'a fait savoir qu'il a dû aller hier à Launay avec M. Desnoyers[7], je suis bien aise qu'il ait pu faire ce voyage et j'ai pensé qu'on avait choisi le Samedi afin d'échapper aux visites qui ont lieu ce jour là. Nos chères petites que disent-elles ? Il me semble qu'elles doivent être si heureuses dans cette maison bénie où leur tendre mère a connu de si doux et heureux moments ; et la chère Cécile[8] est bien contente aussi, je lui envoie toutes mes amitiés qu'elle mérite si bien. Léon[9] sur l'invitation de Georges Heuchel[10], est allé aujourd'hui à Vieux Thann : nos deux jeunes gens sont bien contents de faire ensemble le voyage de Paris. Georges Heuchel est un si bon ami de Léon, notre pauvre Caroline l'aimait et le regardait comme un frère. Je suis désireuse de savoir comment notre bonne Madame Heuchel[11] supporte l'inaction forcée à laquelle elle est soumise, je pense bien souvent à elle, mais je sais qu'avec beaucoup de courage, elle a aussi beaucoup de patience.

Adieu ma bien chère enfant, mon mari[12] et moi t'embrassons comme nous t'aimons. Mille choses bien senties autour de toi. Embrasse bien fort pour moi, ta bonne mère, Aglaé et nos petites filles.

F. Duméril

Il fait si froid que l'eau de nos poules a gelé comme en hiver.


Notes

  1. Marie et Emilie Mertzdorff, filles de Charles et petites-filles de Félicité Duméril, sont à Paris avec leur père à l’occasion de son remariage avec Eugénie Desnoyers, le 19 avril.
  2. Félicité est la mère de Caroline Duméril, première épouse décédée de Charles Mertzdorff et mère des fillettes.
  3. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards et sœur d’Eugénie.
  5. Charles Mertzdorff.
  6. Georges Heuchel, oncle de Charles Mertzdorff.
  7. Jules Desnoyers a des attaches à Launay, près de Nogent-le-Rotrou.
  8. Cécile, domestique attachée au service des petites Mertzdorff.
  9. Léon Duméril, fils de Félicité.
  10. Georges Léon Heuchel, fils de Georges.
  11. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel, blessée au genou.
  12. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Dimanche 10 avril 1864. Lettre de Félicité Duméril (Morschwiller) à Eugénie Desnoyers, future épouse de son gendre veuf (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_avril_1864&oldid=51611 (accédée le 18 décembre 2024).

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