Jeudi 21 avril 1864

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (en voyage de noces à Baden-Baden) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)


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Baden-Baden

Grand duché [ ]

Hôtel du Cerf

21 Avril 64

Jeudi 10 h

Ma chère petite Gla,

Ma lettre d'hier était pour vous tous et tu y auras trouvé une masse d'amitiés à ton adresse, mais ça n'empêche pas que je veux ce matin t'écrire directement en te chargeant de donner de nos nouvelles à nos chers parents[1].

Ta pensée nous a suivis, je n'en doute pas, depuis notre départ et plus d'une fois, il m'a semblé que tu étais près de moi. De mon côté, je suis ici, et je suis là-bas, je te vois avec maman essayant par tes témoignages d'affection de faire disparaître pour elle ce qu'a de triste le départ de tant d'êtres aimés. Ta mission est belle, ma chérie, te voilà restée près de deux foyers que tu es appelée à remplir de ta vie, à animer de ta jeunesse, où toi et ton mari[2] vous devez remplacer tant d'absents, et entourer de tendresses de chers parents qui se sont toujours dévoués pour leurs enfants ; mais j'ai confiance en toi et je sais bien que tu es digne de remplir une telle mission ; ne va donc pas dire que ta vie est inutile ; et en attendant que le bon Dieu t'envoie de nouveaux devoirs[3], sois bien sûre que tu en as là des grands et que tu remplis parfaitement.

Que te dirais-je de moi ? tu le devines : il me semble que je rêve ; le départ, le voyage, les témoignages d'affection que mon mari[4] ne cesse de me donner... tout cela est empreint de sentiments bien divers que tu comprends, que tu partages même. Le 25 7bre 62[5] n'est pas encore assez loin de toi pour que tu ne t'associes complètement à tout ce que je ressens et je n'ai pas besoin de m'étendre sur ce sujet pour te dire que maintenant je ne doute pas que je serai parfaitement heureuse, et que toutes deux nous sommes des femmes privilégiées qui devons remercier Dieu de ce qu'Il nous a envoyé de bons maris qui nous aiment et vers lesquels on se sent attiré à cause des grandes qualités de cœur qu'on reconnaît en eux.

Je suis triste de savoir Alphonse absent en ce moment, sa présence t'eût été doublement précieuse en ce moment jour, mais tu es trop raisonnable pour te plaindre et comme tu dis, cela te permettra d'être plus à notre bonne mère. Combien je pense à elle, à toi que j'aime tant et dont je n'ai jamais su me passer ; écris-moi souvent, donne-moi des nouvelles de chacun, je crains que les uns ou les autres vous ne soyez souffrants et cela à cause des fatigues que vous avez prises pour moi. Comme je l'ai écrit hier à maman, nous sommes sommes parfaitement installés et avons trouvé Bade très joli ; quelques personnes sur la promenade. Hier après le dîner, nous sommes allés faire un tour de 2 heures ; fini à 5 h. Ch Le papa, la maman et Mimi sont allés au télégraphe. Nous avons soupé à 7 h 1/2 et ce matin nous sommes assez reposés mais pas encore suffisamment pour faire une grande promenade à pied. Les enfants[6] ne sont pas mal, nous venons de faire prendre à Mimi une cuillerée de sirop purgatif. Mais le papa a dû faire le sévère ; petite founichon est toujours gentille à croquer. Ce sont des petites tendresses à n'en plus finir.

Adieu, ma chérie, je t'embrasse bien fort et te charge de donner à mon bon père, à notre bonne petite mère, à mon petit Julien[7], de ces bons baisers comme je voudrais les leur donner moi-même

Ta sœur et amie

Eugénie

Je ne te charge de rien pour Alphonse et Alfred[8] et car ils ne doivent plus être près de vous, je tâcherai d'écrire demain à Ancy. Charles qui vient de venir me déranger dans mon griffonnage me recommande bien de t'envoyer une chaude poignée de mains et amitiés. Cécile[9] est parfaitement bien et te charge d'amitiés pour ceux que j'oublierais.


Notes

  1. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Allusion à une maternité espérée.
  4. Charles Mertzdorff.
  5. Date du mariage d’Aglaé.
  6. Marie (Mimi) et Emilie (Founichon) Mertzdorff, filles du premier mariage de Charles.
  7. Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie et Aglaé.
  8. Alfred Desnoyers, frère aîné d’Eugénie et Aglaé, ingénieur à Ancy-le-Franc.
  9. Cécile, domestique attachée au service des petites Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 21 avril 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (en voyage de noces à Baden-Baden) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_21_avril_1864&oldid=51496 (accédée le 18 décembre 2024).

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