Dimanche 10 août 1879
Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Dimanche 10 Août 1879
Mon père chéri,
Il est déjà 9h passées et je viens vite te griffonner quelques lignes avant de partir pour la messe. Nous venons de faire une charmante promenade sur la butte, il faisait une température très agréable, et sur le sommet nous nous sommes assis pour écouter la lecture du journal d’un voyage en Suisse fait par oncle[1], oncle Julien[2], M. Camille[3] et Frédéric Duval. Nous avons apporté tous ces anciens journaux ici pour les relire, ils sont écrits d’une manière si charmante et rappellent à tous de bien bons souvenirs.
Hier matin nous avons eu un temps détestable qui nous a forcés de rester à la maison. Mais nous nous sommes consolés de notre réclusion en faisant une grande partie de billard d’une nouvelle méthode inventée par oncle où chacun avait sa boule. Avec 5 billes les carambolages étaient plus faciles mais je dois cependant t’avouer que ton élève n’a guère brillé, j’aime mieux pour ton amour-propre de professeur que tu n’aies pas assisté à la partie. Après le déjeuner le temps s’est levé et nous avons pu passer toute notre après-midi dans le jardin. Nous avons tiré très longtemps avec l’arc de Jean[4], c’est un jeu qui nous amuse beaucoup mais malheureusement nous ne pourrons plus nous y livrer car oncle en tirant la dernière flèche qu’il avait réservée pour mesurer ses forces et l’envoyer aussi loin qu’elle pourrait atteindre a tendu la corde un peu trop brusquement, et l’arc s’est brisé ! juge de la consternation générale. Oncle a promis de réparer les choses en rapportant Mardi un arc plus grand et plus fort que l’ nous ne pourrons pas même tendre jusqu’au bout ; c’est là qu’il faudra déployer toute la force de son bras car celui-ci nous semblait déjà un peu dur. Marie[5] et Marthe[6] excellent au tir à l’arc, ce sont les deux seules qui aient atteint la cible, mais Marie surtout y met une ardeur extraordinaire et elle arrive à le tendre bien plus que nous autres.
Après le dîner nous avons été à Nogent au devant de bon-papa[7] et nous sommes remontés avec lui en portant son sac. Il était un peu fatigué de sa journée et de son voyage, mais à présent il est très bien. Il vient d’entrer et me charge de te dire qu’il serait bien heureux de te voir ici (il n’est pas le seul à penser de la sorte) et il me charge de toutes ses amitiés pour toi.
Oncle partira ce soir pour Paris et ne reviendra que Mardi dans la journée : c’est bien ennuyeux qu’il ne puisse pas rester tout à fait ; mais il y a l’Institut demain, et puis il ne peut pas abandonner complètement ses occupations surtout comptant quitter Paris pendant un mois. Papa, est-ce que tu ne penses pas avec plaisir au voyage de Suisse ? ce sera si amusant, nous ferons de si belles promenades, et puis nous serons tous ensemble et c’est ce qui me paraît encore le plus agréable. Sais-tu que dans une dizaine de jours nous serons bien près de nous retrouver, mon petit papa chéri ; il me semble qu’il y a déjà si longtemps que je ne t’ai vu ; en attendant cet heureux moment, je t’envoie tous mes baisers et mes caresses car tu sais bien que je t’aime énormément.
Ta fille Émilie
C’est Mardi le jour anniversaire de ta naissance et je t’envoie un baiser tout spécial pour ce jour-là.
Mary kiss her father.
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards (né en 1835).
- ↑ Julien Desnoyers (†, 1847-1871).
- ↑ Antoine Camille Trézel (né en 1840).
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 10 août 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_10_ao%C3%BBt_1879&oldid=39279 (accédée le 15 novembre 2024).
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