Vendredi 7 février 1879
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Vendredi 7 février 1879
Je viens tout de suite, mon père chéri, te remercier de l’aimable lettre que nous avons reçue ce matin, contenant le petit mot de bonne-maman[1]. Marie[2] se proposait d’y répondre elle-même, mais elle n’en a pas eu le temps avant de partir au cours de dessin et c’est moi qui m’en suis chargée. Je t’embrasse donc de sa part d’abord et de la mienne ensuite car j’ai profité de la lettre aussi qu’elle.
Joséphine[3] vient de quitter définitivement la maison, tante[4] lui a enfin trouvé une place, chez une dame qui est enchantée de la prendre, j’espère que l’enthousiasme durera. La nouvelle femme de chambre[5] doit entrer demain ; pourvu que cette pauvre tante ne soit pas forcée de s’en défaire aussi rapidement que de celle-ci. C’est un très grand événement dans la maison et dont nous sommes naturellement très occupées car, Dieu merci ! ces sortes de changements ne sont pas fréquents.
Nous avons été hier au soir à la Sorbonne, entendre la conférence de M. Maspéro[6] ; ce qu’il disait était très intéressant, c’était sur les monuments égyptiens du musée du Louvre, mais il ne le disait malheureusement pas très bien et d’une manière fort monotone de sorte que c’était assez fatigant à écouter et il a été loin d’avoir le succès de M. Lesseps[7] ; il est vrai qu’il est moins connu.
Je pense que Mme J. Ferry[8] doit être bien contente d’être ministre et je suppose que sa famille ne l’est pas moins. Nous sommes bien loin du temps où elle nous faisait faire la dînette et où elle me faisait pleurer en me demandant de lui réciter une fable, ce à quoi je ne me prêtais pas volontiers.
Nous avons passé hier une heure et demie chez bonne-maman[9] ; elle n’allait pas mal et paraissait prendre un grand intérêt à la lecture des Précieuses ridicules de Molière. Elle a ri de bien bon cœur à plusieurs reprises. Mme Delafosse[10] est arrivée pour passer quelques instants avec bonne-maman, ce qui nous a fait partir.
Le cours de chant est maintenant à 4 heures ce qui me réjouit beaucoup contrairement à Marie Flandrin qui en est désolée ; mais je trouve beaucoup plus commode de pouvoir rentrer tranquillement, que d’être forcée de beaucoup se dépêcher pour arriver en retard pour le dîner. Cet avancement va me faire même terminer un peu rapidement ma lettre parce qu’il est déjà deux heures et demie et qu’il faut avant le cours m’habiller, goûter, aller embrasser bonne-maman, aller chez les sœurs donner des joujoux aux enfants de l’asile qui les attendent depuis Noël, et de là nous rendre rue Bonaparte en passant chez Mme Flandrin[11] pour y prendre une partition que Paulette[12] me prête. Tu vois qu’il faut pas mal nous dépêcher.
Nous avons vu Paulette Mercredi, elle va bien en ce moment.
Adieu mon père chéri, je t’embrasse bien fort, aussi fort que je t’aime et j’envoie toutes mes amitiés à bon-papa et bonne-maman[13].
Ta fille,
Emilie
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Joséphine, employée par les Milne-Edwards.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Céline, employée par les Milne-Edwards.
- ↑ Gaston Maspéro (1846-1916), égyptologue.
- ↑ Ferdinand de Lesseps (Voir la lettre du 24 janvier 1879).
- ↑ Mathilde Eugénie Risler, épouse de Jules Ferry.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Adrienne Hubertine Desacre, veuve de Gabriel Delafosse.
- ↑ Aline Desgoffe, épouse de Paul Flandrin.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 7 février 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_7_f%C3%A9vrier_1879&oldid=56324 (accédée le 18 décembre 2024).
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