Vendredi 6 juillet 1877

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1877-07-06 pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-07-06 pages 2-3.jpg


Paris le 6 Juillet 1877.[1]

Mon Père chéri,

Décidément il ne faut jamais rien remettre à la dernière heure, j’avais projeté de t’écrire hier en rentrant et l’heure de la poste était passée, j’espère que ce petit retard dans notre correspondance d’ordinaire assez régulière ne t’aura pas inquiété mais c’est bien mal à nous d’autant plus mal que nous avons à te remercier de ta si gentille lettre de Mercredi je t’assure qu’elle nous a bien amusées surtout les illustrations qui l’accompagnaient et qui devaient être frappantes, quant au récit lui-même il nous a fait beaucoup de peine que cela a dû être triste le mariage de cette pauvre Jeanne[2].

Je n’ai pas grand-chose à te dire quoiqu’il y ait trois jours que je ne t’aie écrit[3] et il faut même que je fasse appel à toute ma mémoire pour me souvenir de ce que nous avons fait : Mercredi nous ne sommes sorties que pour aller chez Mme Aimé Buffet[4] que nous n’avons pas trouvée et au bain froid qui était délicieux quoique un peu frais. Le reste de la journée s’est passé à travailler j’ai écrit à Marie Soleil qui a fait sa 1ère communion Jeudi puis nous avons eu Mme Lima[5] qui maintenant a la déplorable habitude d’arriver toujours une demi-heure d’avance et si le dîner ne la chassait pas je ne sais pas jusqu’à quand elle resterait.

En plus de la famille nous avions les Brongniart à dîner de sorte qu’on était assez nombreux et surtout en jeunesse, devine même la folie que nous avons faite ? Pendant le dîner Marthe[6] qui avait apporté sous son bras ses petits souliers (on ne savait pour quelle cause) dit à son cousin Camille[7] qu’elle aimerait bien danser celui-ci se moque d’elle et parie qu’elle n’osera même jamais le demander à oncle[8] qui est à l’autre bout de la table et si elle le fait il lui promet deux sous ; Marthe qui voyait ses 2 sous se joindre au plaisir de danser prend son courage et crie à oncle sa demande. Un éclat de rire général lui répond mais la pauvre Mme Camille[9] qui tout l’hiver a subi le supplice de Tantale en nous voyant danser et en ne pouvant pas en être hasarde un timide « pourquoi pas ? » on se récrie un peu mais cependant au fond chacun en avait extrêmement envie et la chaleur seule empêchait de parler. Après le dîner nous avons donc été retirer nos robes de laine pour les remplacer par des robes de toile, nous avons mis à Jeanne[10] une tunique à Emilie[11], nous lui en avions d’abord essayé une à moi mais tu ne saurais croire quelle effet elle faisait là-dedans, c’est alors que j’ai compris quelles étaient mes formes gigantesques, on aurait bien mis 2 Jeanne dans mon corsage. Tu nous entends rire, aussi le temps de la toilette a-t-il été fort long. Nous sommes redescendues enfin et l’on a dansé jusqu’à 10h en s’amusant beaucoup et en n’ayant réellement pas par trop chaud.

Hier nous avons été à Saint-Germain l’Auxerrois et à Saint Séverin retrouver Mlle Magdelaine[12], le cours se finira Jeudi prochain au musée de Cluny. Nous avons été ensuite au bain froid et voilà comment nous sommes rentrées trop tard pour t’écrire.

Aujourd’hui il fait un temps affreux aussi comme nous n’avons pas de leçon nous ne sortirons pas.

Adieu mon bon petit papa que j’aime je t’embrasse aussi fort que je le peux, ta fille
Marie


Notes

  1. Papier à lettre monogrammé.
  2. Jeanne Henrieta épousé Paul Baudry.
  3. Voir la lettre du 3 juillet.
  4. Marie Anne Philippine Fliche épouse de Louis Aimé Buffet.
  5. Mme Lima, professeur d’allemand.
  6. Marthe Pavet de Courteille.
  7. Antoine Camille Trézel.
  8. Alphonse Milne-Edwards.
  9. Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel, dont le troisième fils est né en mai.
  10. Jeanne Brongniart.
  11. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  12. Mlle Magdelaine donne des cours de beaux-arts.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 6 juillet 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_6_juillet_1877&oldid=52325 (accédée le 15 novembre 2024).

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