Vendredi 4 septembre 1846

De Une correspondance familiale

Lettre d’Auguste Duméril (Alost en Belgique) à ses parents André Marie Constant Duméril et Alphonsine Delaroche (Paris)


d’André Auguste Duméril.

Alost 4 Septembre 1846 Vendredi 11 heures ½  Vendredi

Mes chers parents,

Nous voici à Alost, depuis hier, à 4 heures du soir, après avoir fait, en chemin de fer, le voyage le plus heureux. J’aurais voulu pouvoir vous écrire un mot, hier au soir, mais je n’en n’ai pas eu le temps. Emile et Valery sont arrivés, hier au soir, de voyage, de sorte que la famille Cumont[1], où l’on nous reçoit d’une manière très affectueuse, se trouve, en ce moment, au grand complet. Je ne vous donne pas de détails sur notre voyage, de Lille ici, attendu que Caroline[2] les transmet à ses grands-parents, de la rue St Victor. La lettre de mardi, où chacun de nous a écrit, vous a donné des détails, sur le mariage d’Eléonore[3] : tout s’est parfaitement bien passé, et chacun était fort heureux, car vraiment cette union semble offrir de grandes chances de bonheur, pour cette si excellente amie de nos deux femmes[4]. Je ne sais si Constant[5] ou Félicité vous auront parlé du chiffre de la fortune de M. Fröhlich, qui possède 276 000 F en propriétés, et en actions divers, entre autres, de l’établissement de Montataire, et il a l’usufruit d’un capital de 75 000 F, fortune de sa première femme : si Eléonore survit, même en cas où elle se remarierait, elle aura l’usufruit de toute la fortune propre de son mari : cette fortune est indépendante de son traitement de 10 000 F. Nous sommes si bien au courant, parce que nous avons assisté à la lecture du contrat ; mais, par une bizarrerie qui se rencontre ici, il n’y a que les témoins, qui aient été à la mairie. Le départ d’Eléonore a été bien triste, mais heureusement, un peu brusqué : tout le monde pleurait, ou avait des larmes dans les yeux : Eléonore était charmante, dans sa toilette de mariée : robe de soie gros bleu, chapeau blanc, châle de dentelle noire, qui laissait parfaitement voir sa taille et sa tournure élégantes. Hier, a été le jour des départs, car, après nous, qui avons quitté Lille à 9 heures, Mme Gosselin[6], la sœur d’Eléonore, devait partir à 11 heures, avec son fils, et une demoiselle Joséphine de St Germain, parente de la famille[7], de sorte que la maison Vasseur a dû paraître bien vide, à ceux qui restaient, après la grande animation qu’avait nécessairement amenée la nombreuse société qui demeurait dans cette habitation, où l’on était reçu avec tant d’affection.

Je ne vous ai pas parlé de l’émotion qu’Adèle[8] a éprouvée, l’autre jour, quand, à son réveil, elle a aperçu, près d’elle, Caroline et Léon : elle a presque pleuré : sa petite figure s’est allongée, et l’on voyait véritablement, à ce qu’il paraît, car je n’assistais malheureusement pas à cette scène, qu’elle reconnaissait son cousin et sa cousine, et qu’elle comprenait qu’il s’était écoulé un certain temps, depuis qu’elle ne les avait vus.

Constant et Félicité avaient eu un peu l’idée d’aller passer la journée de demain samedi, à Ostende et à Bruges, pour revenir le soir ici, y passer la journée du dimanche, et partir le lundi matin, pour Bruxelles ; mais il est probable qu’ils ne suivront pas ce premier plan, et que c’est pour Ostende, qu’ils partiront, lundi matin, et qu’ils consacreront 4 à 5 journées, au plus, à cette petite excursion en Belgique. Quant à nous, nous n’avons encore rien de décidé, pour notre départ, cependant, comme le temps est magnifique, nous voudrions partir le plus tôt possible, afin de ne pas être surpris par les pluies de l’arrière-saison : nous ne partirons certainement pas avant le commencement de la semaine : une lettre écrite dimanche, nous trouverait certainement encore ici. On nous appelle pour déjeuner.

2 heures. Nous venons d’apprendre que l’heure de midi étant passée, les lettres ne partiront que ce soir, à 8 heures, et celle-ci ne vous arrivera que dimanche matin : une lettre d’affaires, écrite par Constant, à son commis[9], se trouve ainsi retardée. Je suis bien contrarié que vous soyez restés aussi longtemps sans lettre ; mais cela est indépendant de notre volonté. J’espère bien que nous pourrons vous écrire dimanche, de manière à ce que notre lettre arrive lundi. Cette lettre vous indiquera notre itinéraire, et la ville où vous pourriez nous écrire, poste restante. Nous dînons aujourd’hui chez Emilie[10], dont le mari qui est joli garçon, mais petit, nous paraît fort bien ; sa petite fille, qui n’est pas une grosse enfant, mais qui semble se porter fort bien, est très gentille. Emilie est engraissée, mais cela lui va bien, ainsi qu’une coiffure en bandeau, qu’elle a adoptée. Je pense que nous allons visiter la ville, et que, demain et dimanche, nous nous promènerons à la campagne, dans la voiture de Monsieur Cumont[11].

Adèle continue à se bien porter, mais sa dent n’est pas encore percée, et même on ne l’aperçoit pas encore, ce qui lui donne toujours un peu de pâleur : par moments, cependant, elle a bon teint, et est encore cent fois plus gentille : c’est comme cela qu’elle était hier, à notre arrivée à Alost. Caroline et Léon s’occupent beaucoup d’elle : on trouve ces 3 enfants bien gentils, et vous comprenez, en grands-parents, si les pères et les mères jouissent de ces éloges donnés à leurs enfants.

Je joins à cette lettre un petit mot de Caroline pour son bon-papa et sa bonne-maman.

Adieu, mes chers parents ; veuillez trouver ici, de la part de Constant et de moi, et de celle de nos femmes, l’expression de notre vive affection, dont nous prions nos chers parents de la rue St Victor[12], de prendre leur bonne part.

Votre affectionné fils

A Aug. Duméril.


Notes

  1. Jean Charles Cumont et Jeannette Declercq, qui habitent à Alost (entre Bruxelles et Gand), ont 4 enfants : Emile, Emilie, Valéry et Florent Charles.
  2. Caroline Duméril, fille de Louis Daniel Constant et Félicité, petite-fille d’Auguste Duméril (l’aîné) et Alexandrine Cumont.
  3. Eléonore Vasseur vient d’épouser André Fröhlich, gérant des forges de Montataire.
  4. Eugénie et Félicité Duméril.
  5. Louis Daniel Constant Dumérill, frère d’Auguste, mari de Félicité.
  6. Angélique Vasseur, sœur aînée d’Eléonore, est l’épouse de Joseph Gosselin ; ils ont un fils, Charles.
  7. Joséphine de Saint Germain, fille de Jean François Théophile et de Marie Louise Gabrielle Gosselin (les parents sont cousins germains).
  8. Adèle Duméril, née en 1844, fille d’Auguste ; Caroline et Léon, ses cousins, enfants de Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
  9. M. Guinant, à Paris.
  10. Emilie Cumont, qui a épousé en 1845 Odilon de Craecker, négociant à Alost ; ils ont une petite Louise.
  11. Jean Charles Cumont.
  12. Auguste Duméril (l’aîné) et Alexandrine Cumont habitent à Paris, rue St Victor.

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril, 2ème volume, « Voyage à Lille, à l’époque du mariage d’Eléonore, et en Belgique. Détails sur la dysenterie d’Adèle. 1846 », p. 430-435

Pour citer cette page

« Vendredi 4 septembre 1846. Lettre d’Auguste Duméril (Alost en Belgique) à ses parents André Marie Constant Duméril et Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_4_septembre_1846&oldid=58975 (accédée le 15 novembre 2024).

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