Vendredi 28 juin 1918

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)

original de la lettre 1918-06-28 pages 1-4.jpg original de la lettre 1918-06-28 pages 2-3.jpg


28 Juin 18

Mon cher Louis,

Je viens de recevoir ton petit mot au crayon d’hier. Merci, merci. Il me tranquillise sur ton sort même pour un avenir prochain et je souhaite vivement que tu ailles rencontrer Michel[1] dans mon pays[2] où il se promène avec satisfaction depuis quelques jours.

Nous avons appris, hélas, que le silence de Maurice[3] n’était que trop significatif ! le pauvre garçon a été tué le 9 à Lassig Elincourt-Sainte-Marguerite. Quel dommage ! c’est un bien grand chagrin pour notre petite Elise[4] qui avait pour lui une affection particulière. Et ses pauvres parents[5] qui vont apprendre cette nouvelle et qui devront continuer à vivre sous le même toit que des Boches !...

As-tu l’adresse d’Elise : Villa Robert Surcouf, Boulevard Hébert, Paramé (Ille-et-Vilaine) et celle de Jacques[6] ?

Convois automobiles TM[7] 583 parc Marigny par BCM Paris, lui aussi sera très affecté de cette mort.

Ton papa[8] est toujours à Bordeaux faisant démarches sur démarches[9] sans savoir s’il aboutira. C’est odieux. Il va manquer demain l’ordination d’André[10] qui déjà n’aura pas son père[11]. Le grand-père[12] est très mal, paraît-il ; mais je parierais qu’il se remettra !

Visite de Gotha depuis 2 nuits. Un incendie provoqué par eux derrière le dépôt de Conté rue de Grenelle. A quand notre tour ? d’autres bombes en face de l’ancienne maison des CD[13] mais tombées sur le Boulevard, pas d’accidents, tandis que cette nuit il y en a eu plusieurs, dit-on. Je crois que notre quartier a encore eu sa part.

Nous sommes si bien à l’abri dans notre cave où nous descendons au premier signal que nous entendons à peine les coups. La défense fait pourtant beaucoup de bruit.

Je t’embrasse tendrement, mon cher enfant.

Emy

J’ai assisté Mercredi au mariage d’Odette de Compiègne qui a épousé son beau-frère Récopé, veuf de Marie-Antoinette[14]. Guy[15] y était ainsi qu’Hubert[16] celui-ci avec une énorme moustache paraît avoir 40 ans, et Guy imberbe 18. Il est dans les tanks, Hubert dans le 75.

Ils m’ont beaucoup parlé de vous.

Ton papa s’occupera de ton revolver aussitôt revenu, je ne suis pas assez au courant pour le faire.


Notes

  1. Michel Froissart, frère de Louis.
  2. L’Alsace (et plus précisément la région de Thann).
  3. Maurice Vandame.
  4. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart et sœur de Maurice.
  5. Paul Vandame et son épouse Zélia Vandewynckele.
  6. Jacques Froissart.
  7. T.M. : transport de matériel ; C.M. : compagnie de mitrailleuses.
  8. Damas Froissart.
  9. Recherche (à rebondissements) d’une maison à louer.
  10. André Parenty.
  11. Maurice Parenty.
  12. Noël Joseph Parenty.
  13. Les Colmet Daâge.
  14. Odette Du Pont de Compiègne épouse René Récopé de Tilly Blaru, veuf de Marie Antoinette Du Pont de Compiègne.
  15. Guy Colmet Daâge (né en 1880).
  16. Hubert Du Pont de Compiègne (né en 1892).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 28 juin 1918. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_28_juin_1918&oldid=53733 (accédée le 27 avril 2024).

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