Vendredi 26 septembre 1794, 5 vendémiaire an III
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
n°74
Rouen 5 vendémiaire, an troisième
Maman,
Vous peindre le plaisir que je goûte en recevant de vos nouvelles, c'est chose impossible. Je ne puis que le sentir. Je ne suis on ne peut plus reconnaissant du tendre intérêt que vous n'avez jamais cessé de me témoigner. Oui maman, en lisant mes lettres, croyez bien lire dans mon coeur ce sont les mêmes sentiments, ils ne sont pas, il est vrai, rendus avec la même véhémence qu'ils sont éprouvés ; mais je crois que vous n'attendez pas des mots, pour vous le prouver, et en être persuadée ; et cette idée consolante n'est point pour moi la moins flatteuse.
Je n'ai point reçu des nouvelles d'Auguste[1] depuis son départ pour Paris, et j'ignore son adresse. J'ai écrit ces jours-ci au cousin André Dumont, pour un objet de science qui intéresse les comités d'instruction et de salut public. Il s'agissait de faire une propriété nationale d'un grand ouvrage d'anatomie de Vicq d’Azyr en le continuant je lui indiquais un artiste dont Fourcroy, Parmentier, Deyeux, Guyton[2] et beaucoup d'autres savants ont pu lui rendre compte des talents[3]. Cet artiste est mon professeur, malheureusement je prévois que ses occupations de président ne lui auront pas permis de s'occuper de l'idée qui m'était venue. La citoyenne Thillaye, n'a pu vous faire passer la note des Débours qu'elle a bien voulu faire pour moi, ses occupations ne lui en ont pas laissé le loisir. Ils montent environ à quatre cent livres, ainsi vous ne lui serez redevable que d'une centaine de francs.
J'ai reçu ces jours-ci mes appointements, j'ai été payé sur un ordre du département qui m'a fait délivrer par le District un mandat pour toucher mon traitement sur le produit des contributions, je ne trouve pas de pension qui me convienne dans les environs de l'hospice, je me trouverai peut-être forcé de me faire servir chez moi. Je suis encore à cet égard dans la plus grande incertitude. Je ferai à la citoyenne Thillaye la proposition dont vous me parlez, mais je la crois trop délicate pour y accéder, il fût un temps où je fis pour elle ce qu’elle me rend aujourd'hui.
Les détails que vous me donnez sur la situation de votre santé m'intéressent vivement. N'oubliez pas de m'en informer dans votre première, vous ajouterez aux motifs qui me la fera <désirer>. Tout ce que vous me mandez, des vertus de Désarbret[4], m'est bien connu, je sais toutes les peines qu'il se donne et j'ai les preuves personnelles de son bon cœur.
Pour vous éviter la peine de déchiffrer mes lettres j'avais commencé celle-ci en gros caractères puis je me suis trouvé entraîné dans ma malheureuse propension, je vous demande encore pardon pour cette fois.
Une autre excuse que j'ai à vous faire, c'est sur la prolixité du style de cette présente. Je dois vous avouer que je suis très pressé.
Je vous aime et vous embrasse.
Constant Duméril
Notes
- ↑ Auguste Duméril (l’aîné), frère d’André Marie Constant.
- ↑ Louis Bernard Guyton de Morveau (1737-1816), orthographié ici « Guitton ».
- ↑ Possiblement le graveur au burin François Noël Sellier (né à Paris en 1737, mort après 1824), qui a signé « Sellier » des planches de la Bibliothèque physico-économique, instructive et amusante, périodique dont Parmentier et Deyeux sont des rédacteurs et des planches d’ouvrages de Guyton de Morveau. Louis Sellier, son fils, né en 1757, a surtout gravé des architectures et ornements.
- ↑ Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, frère d’André Marie Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 156-158
Pour citer cette page
« Vendredi 26 septembre 1794, 5 vendémiaire an III. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_26_septembre_1794,_5_vend%C3%A9miaire_an_III&oldid=35973 (accédée le 22 décembre 2024).
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