Mardi 21 octobre 1794, 30 vendémiaire an III
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
n°75
Rouen du 30 Vendémiaire an 3 de la république
Maman
Voilà le 1er jour depuis un mois qu'il m'est loisible de m'entretenir avec vous. J'ai commencé le 1er vendémiaire mes leçons et les ai continuées tous les jours pairs. J'ai fini la 1ère partie de l'anatomie, sous trois ou quatre jours je commence la seconde. Mes leçons commencent à midi précis et finissent à deux heures. Ainsi je parle deux heures consécutives. Ma poitrine a peine à se faire à d'aussi longs discours. Je ne vous dirai pas que je remplis bien cette besogne. Je ne puis me juger, j'ai au moins la satisfaction d'être content de moi-même. Un motif stimulant aiguillonne mon émulation. Car le chirurgien en chef de l'hospice militaire[1] fait aussi un cours d'anatomie et de cette rivalité, il résulte un zèle plus soutenu de part et d'autre. Les vivres ou plutôt la vie devient ici d'un prix exorbitant. J'offre 1 000ll pour une pension et n'en puis trouver dans les environs de l'hospice. Je suis toujours chez la citoyenne Thillaye, mais je n'y rentre qu'à l'heure des repas. Je ne lui ai pas encore proposé le prix de ma pension. Je serais fort embarrassé de déterminer le temps depuis lequel elle doit courir. Je ne sais ce que je dois faire à cet égard, mais si la vie est aussi dure au printemps prochain et que la guerre dure, je ferai mes efforts pour être placé dans le militaire : il me serait impossible de vivre avec ma pension, au reste je m'en rapporterai toujours à vous. J'étais dans l'intention de répondre à votre dernière, je n'ai pu lui mander que deux mots. Vous ne vous faites pas une idée de l'étude que demande ma place. Je vais vous tracer mon plan de vie. Tous les jours je suis levé à six heures et demie, à sept heures Je vais aux pansements, il se termine sur les dix heures. Je mange alors un morceau de pain que j'apporte de la maison. Les jours impairs je prépare la leçon du professeur qui commence à midi ; les jours pairs je prépare la mienne : je sors à deux heures du cours, ou de ma leçon. Je vais dîner et me rends pour quatre heures aux pansements, à cinq heures je dissèque. Pour mon instruction personnelle, les jours pairs. Les jours pairs j'écris la leçon que je dois faire. Le surlendemain cela me conduit jusqu'à neuf heures et demie, heure à laquelle je vais souper. J'ai une lettre à faire passer à mon oncle De quevauvillers[2] j'attends une occasion pour lui faire parvenir par Amiens.
Je n'ai pas encore pu répondre à Montfleury[3] : je le ferai au premier instant, j'ai huit lettres à répondre aujourd'hui, j'ai commencé par la vôtre elle me pesait.
Les souliers sont ici 24 et 25ll, ils coûtaient moins chers à Amiens, je vous enverrai ma mesure.
J'ai grand besoin de bas de laine, je n'en ai ici que quatre ou cinq, très communs et un peu usés. Songez à moi à la 1ère occasion.
Quand je serai à mon ménage, j'aurai besoin de quelques serviettes et peut-être d'autres objets que le besoin me découvrira, j'espère que vous voudrez bien me l'accorder.
Aimez-moi toujours comme vous aime et vous aimera votre fils
Constant Duméril
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 158-160
Pour citer cette page
« Mardi 21 octobre 1794, 30 vendémiaire an III. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_21_octobre_1794,_30_vend%C3%A9miaire_an_III&oldid=40842 (accédée le 21 décembre 2024).
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