Vendredi 26 mai 1876
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Vendredi 27 Mai 1876[1].
Ma chère Marie
Tu sauras que j’ai reçu ta bonne lettre d’hier & qu’elle me fait toujours plaisir comme si elle était première !
Il est possible que l’oncle[2] ait lu, comme je viens de le faire, dans son journal la nomination de M. E. Zaepffel[3] conseiller de préfecture à Nancy, ce qui certainement aura fait grand plaisir à tante Z.[4] surtout. Mais très probablement vont-ils avoir moins de temps à donner à Colmar & à la saison de bains ; comme Nancy n’est pas sur notre chemin & que c’est un assez long voyage pour y arriver, cela fera que nous aurons encore moins d’occasions de nous rencontrer.
Toute cette semaine je n’ai rien fait de particulier, des chiffres à perte de vue pour connaître l’avenir en interrogeant le passé de 15 années. Je ne voudrais pas de surprise désagréable dans mes nouveaux arrangements de mes affaires ; du reste c’est une étude qui n’est pas ennuyeuse, elle est toujours accompagnée de quelque souvenir.
Dimanche, j’ai fait ma visite aux Henriet[5] & Lundi j’ai envoyé Vogt avec la grande voiture & toute la famille, même Mme Henriet[6], sont venus passer toute l’après midi au Jardin ici.
Ni les demoiselles Henriet[7] ni Mlles Berger[8] n’iront au bal de Mulhouse. Au dire de ces dames il y aura trop de mélange & je le crois, mais tout s’y passera très convenablement. Comme Léon[9] & Georges[10] iront, ma prochaine saura te dire peut-être quelques détails de cette fête toute nationale & pour laquelle l’on fait tant de préparatifs.
La petite exposition[11] a du reste très bien réussi l’on sait faire grand à Mulhouse où généralement les moyens ne manquent pas.
Tout ce que je sais, c’est que les Henriet vont quitter Thann la semaine prochaine pour s’installer à Wattwiller ce qui ne réjouit pas ces demoiselles qui n’ont plus leur fenêtre à voir passer les promeneurs de Thann. c’est je crois l’une de leur très grande occupation.
T’ai-je déjà dit que Mlle de Brincard[12] de la ferme, celle l’aînée, celle que nous avons vue à l’exposition des tableaux se marie avec un Médecin de Cannes[13], un docteur qui a de la fortune & qui ne pratique pas. Il est probable que toutes ces Dames iront se fixer à Cannes, déjà par raison de santé pour la mère[14], & le pauvre vieil oncle[15] restera seul à sa ferme ce qui ne doit pas le réjouir & tâchera d’aller les rejoindre.
Ce que tu me dis de bonne-maman[16] ne m’étonne pas, elle se fatigue beaucoup trop & déjà à Morschwiller il en était de même lorsqu’elle fait au-delà de ses forces.
Le moulin est charmant, il doit être achevé aujourd’hui, & j’espère que nos excellents parents[17] y seront bien. le petit Jardin est très bien dessiné & tout l’ensemble est bien. Si voisins, il ne se passera pas de jours sans que l’on se voie un peu.
Les nouvelles de Mme Marie André[18] sont bonnes, ils sont à Naples. A Rome elle a été présentée au pape[19], qui, écrit-elle, a béni avec elle l’Alsace, Strasbourg & son évêque[20] qui a le même âge que lui 84 ans. J’ai vu M. Berger[21] tout à l’heure & c’est tout chaud comme tu vois que je te transmets ces grandes nouvelles. Cet ami est venu pour me faire une grosse Mangle[22] en pierre comme celle que tu connais au moulin, il y en aura deux comme tu vois.
C’est absolument dans l’état qu’était Drake, à en juger par ce que tu me dis de Krab[23]. Il est présumable qu’il se remettra vite, s’il est bien traité.
Il fait toujours trop froid & trop sec pour les campagnards, lorsque l’on voit ces pauvres prés & champs l’on pense volontiers à un prochain hiver trop rude pour de certaines bourses. Il a plu un rien, tout à fait insuffisant, mais le baromètre est assez bas pour espérer mieux. J’ai vu passer la procession de l’Ascension, que de belles toilettes, pas une fille sans chapeau à plumes & fleurs à la dernière mode ! C’est décourageant ! Du reste ces Messieurs ne cèdent en rien aux Demoiselles. Si leur intérieur était aussi proprement aussi nettement & aussi richement orné, nous serions dans le meilleur des mondes.
Je vais aller à Cernay dans un moment, lorsque l’on veut travailler à plusieurs il est bien difficile de se mettre d’accord. Notre comité du canal est une vraie république, aussi ne sommes-nous pas souvent d’accord.
Pour peu que cela dure je commande une Machine à vapeur pour le moulin. Et puis, après moi la fin du Monde.
Je t’adresse mille baisers à distribuer à ton entourage
Ton père qui t’aime comme tu sais
Chs Mff
Ma sœur[24] vient de m’envoyer une carte me confirmant la nomination de son mari auquel je viens d’écrire.
La mère de Thérèse[25] est toujours au plus mal. le dire à Cécile[26].
Que ton petit bureau te fasse plaisir m’enchante bien. Je pense bien qu’il ne restera pas isolé. Il n’est qu’un acheminement vers ton ménage de Demoiselle.
Notes
- ↑ Le 27 mai 1876 est un samedi.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Edgar Zaepffel, beau-frère de Charles Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Louis Alexandre Henriet et sa famille.
- ↑ Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
- ↑ Gabrielle et Jeanne Henriet.
- ↑ Marie et Hélène Berger (leur sœur Julie n’a que 8 ans).
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Exposition du cinquantenaire de la Société industrielle de Mulhouse.
- ↑ Fanny Brincard.
- ↑ Théophile Sève.
- ↑ Fanny Anna Judith Zurcher, veuve de Eugène Philibert Antoine Brincard, mère de Fanny et de Julie Brincard.
- ↑ Possiblement Alphonse Zurcher.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Marie André, épouse d’Antoine Albert Deguerre, en voyage de noces.
- ↑ Pie IX (1792-1878).
- ↑ André Raess (1794-1887), évêque de Strasbourg depuis 1842.
- ↑ Louis Berger.
- ↑ La mangle est une machine d'apprêt utilisée pour donner un certain grain et boucher les toiles de lin et de jute.
- ↑ Krab, chien d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Joséphine Fricker, épouse de François Neeff et mère de Thérèse Neeff (employée chez Charles Mertzdorff).
- ↑ Cécile Besançon, bonne de demoiselles Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 26 mai 1876. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_26_mai_1876&oldid=42815 (accédée le 9 octobre 2024).
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