Jeudi 25 mai 1876

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1876-05-25 pages 1-2.jpg original de la lettre 1876-05-25 pages 3-4.jpg


Paris le 25 Mai 1876

Mon Père chéri,

Je m’aperçois que j’ai pris mon papier à l’envers, mais tant pis, je n’en vais pas moins continuer à t’écrire car je pense que cela ne te choquera pas et ce serait vraiment dommage de perdre une si belle feuille de papier réglé.

Tante[1] et Emilie[2] sont au piano et déchiffrent à quatre mains et moi je suis installée à mon joli, à mon cher bureau, qui me plaît de plus en plus et dont il me semble que je ne t’ai pas encore assez remercié. Tout le monde l’admire et il y a bien de quoi.

Hier nous avons été au cours avec bonne-maman Duméril[3] ; c’était la première fois que j’y retournais depuis mon examen et cela m’a beaucoup amusée d’assister au cours d’Emilie ; j’ai du reste été très satisfaite de ma jeune soi-disant élève qui a fort bien répondu ; on devait leur rendre des styles dont un fait par Henriette[4] est paraît-il remarquable, mais on n’en a pas eu le temps, je l’ai bien regretté. J’ai revu aussi Marthe Tourasse qui vient tous les Mercredis accompagner ses sœurs[5] et qui pour s’amuser assiste avec son ouvrage au cours d’examen. Elle a comme toujours été très-gentille ; c’est fâcheux qu’elle demeure aussi loin sans quoi je crois que nous nous verrions plus souvent. Nous avons ramené bonne-maman ici où elle a dîné ainsi que bon-papa, avec la famille ; le soir on a fait la partie de whist qui a été comme de coutume très aminée ; moi je n’y ai pas pris part, le nombre des joueurs étant suffisant, et j’ai passé ma soirée à peiner sur de malheureuses manches que tante voulait absolument que je monte seule et qui m’ont donné bien du mal ; enfin j’y suis arrivée ou à peu près ; heureusement que la vieille femme pour laquelle le caraco est destiné n’est pas bien difficile.

Ce matin nous avons été à la messe de 8 heures ; puis après le déjeuner nous avons eu la visite de bonne-maman qui est venue passer un petit moment avec nous jusqu’à l’heure de son déjeuner, elle nous a comme toujours chargées de beaucoup de choses pour toi mais ces commissions-là je m’en acquitte très-mal. Cette pauvre bonne-maman est toujours souffrante et je crois que son séjour à Paris ne lui aura pas fait grand bien, elle se fatigue beaucoup trop ; quant à bon-papa il se porte parfaitement.

Je ne sais si je t’ai dit que bon-papa et bonne-maman Desnoyers[6] sont depuis quelques jours à Launay ; bon-papa revient ce soir mais pour repartir et je crois que leur retour définitif n’aura pas lieu avant la Pentecôte. Tante a reçu ce matin des bonnes nouvelles.

Je t’annonçais avant-hier le rétablissement presque complet de ce pauvre Krab[7] ; hélas ! aujourd’hui le voilà repris d’une autre façon, ce sont ses pattes qui refusent le service, il peut à peine se traîner aussi son pauvre maître est-il très triste ; je ne sais vraiment pas s’il sortira victorieux de cette seconde maladie qui certainement est la continuation de la première.

On a reçu de bonnes nouvelles de tante Adèle[8] et de sa famille qui maintenant sont tous à Flers et très-contents d’y être je crois.

Je plains bien cette pauvre Marie André[9] car c’est bien triste d’être déjà malade. J’aimerais bien savoir si mes amies[10] iront au bal à Mulhouse ; d’après une lettre d’oncle Léon[11] il paraît que ce sera splendide mais qu’on a eu de la peine à l’organiser malgré les Prussiens.

Adieu, mon petit papa que j’aime, je t’embrasse de toutes mes forces.
Ta fille Marie

Il a plus hier toute la journée et aujourd’hui plusieurs fois déjà.
Demain nous irons avec bon-papa et bonne-maman à Versailles voir Mlle Ghiselain.
Nous recevons à l’instant la visite de M. Daubigny qui venait savoir l’adresse de bon-papa Duméril et qui nous a chargés de bien des choses pour toi.


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Henriette Baudrillart.
  5. Marthe Tourasse a trois sœurs : Alice, Jeanne et Pauline.
  6. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  7. Krab, le chien d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
  9. Marie André, nouvelle épouse d’Antoine Albert Deguerre.
  10. Marie et Hélène Berger.
  11. Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 25 mai 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_25_mai_1876&oldid=40006 (accédée le 27 avril 2024).

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