Vendredi 26 août 1842 (A)
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Auguste Duméril (Lille)
De Mme Constant Duméril mère.
26 Août 1842.
Tu ne te représentes sûrement pas, mon cher Auguste, quel soulagement nous éprouvons, ton père[1] et moi, depuis ce matin, que nous avons lu ta lettre à Constant[2], lequel nous avait autorisé à ouvrir les lettres qui viendraient de Lille à son adresse : tu juges alors avec quelle rapidité nous avons rompu le cachet, et quel a été notre bonheur, lorsque nous y avons trouvé de bonnes nouvelles de tout le monde : vous, qui ne réfléchissiez pas qu’on nous laissait depuis huit jours sans nouvelles de Lille, que Constant désirant chaque jour des lettres depuis dimanche, ne voyait plus arriver de l’écriture de sa femme[3] ; vous ne réfléchissiez pas, dis-je que la tête pouvait se monter, surtout chez ton frère, qui trouvait déjà le temps si long sans voir son monde. Je ne l’ai point excité à partir, mais j’avoue que je ne l’en ai pas détourné, comprenant parfaitement son inquiétude, car moi, j’en prenais beaucoup aussi. Ton papa, en rentrant, a été extrêmement frappé de ce départ, et puis l’a compris, comme moi, et depuis ce moment-là, jusqu’à ce matin, tu n’as pas d’idées combien d’inquiétudes de tout genre ont travaillé notre esprit à chacun. Ton père n’a pas imaginé moins de choses que moi, et en a rêvé cette nuit : cela l’occupait par dessus tout. Nous nous disions bien, et Mme de Tarlé[4], et les autres personnes qui sont venues nous voir hier, nous disaient également que, lorsqu’il arrivait quelque chose de fâcheux dans une famille, on se faisait un devoir de l’écrire promptement, aux membres éloignés de cette famille. Ces réflexions ne nous rendaient pas plus raisonnables.
Je vois, par ta lettre, reçue tout à l’heure, que l’arrivée de ce pauvre Constant (qui a, je me le figure, passé la nuit sur l’impériale) a étonné et dérangé les plans. Je pense pourtant que chacun est bien content de le voir, et que sa présence pourra peut-être être utile pour toi, auprès de ta tante[5]. Cette affaire-là[6] nous préoccupe bien l’esprit aussi, je t’assure, et plus tu es charmé d’Eugénie plus il est désolant de voir la persistance de ma belle-sœur dans le refus de son consentement : l’approbation complète d’Auguste[7] et d’Eugénie, sur le ton et la manière d’être que tu as avec ta tante, doit te rendre bien heureux, et nous donne une bien grande satisfaction. Dis à mon intéressante nièce combien je suis occupée d’elle, et combien je l’aime.
Je ne sais comment il se fait que ta lettre retardée soit arrivée aujourd’hui, dès huit heures du matin, ce qui était un grand bonheur, car cela a fait que ton père a eu le cœur soulagé un grand nombre d’heures plus tôt : il a affaire dehors de chez lui, jusqu’à l’heure du dîner. Il va être, comme moi, un peu désappointé de ce jour de retard, pour l’arrivée de tout notre bien : heureusement qu’un jour est chose bientôt passée. Je fais prévenir Sidonie[8] pour qu’elle soit de bonne heure dimanche rue St-Victor[9]. Tous ces jours-ci elle doit y avoir été occupée à nettoyer la maison, du haut en bas. Je pense que Rivel[10], de son côté, s’est occupé de la toilette du jardin. Quelle vie ce retour de notre fille et de nos petits-enfants[11] va ramener parmi nous ! Ton père écrira sûrement un mot à M. Flourens ; je vais lui en parler dès qu’il rentrera. Comment se passent les choses chez ton oncle[12], depuis le moment où tu m’as écrit hier ? voilà ce que nous serons impatients de t’entendre narrer à ton retour. Adieu, mon cher et bon fils ; distribue les choses les plus affectueuses de notre part autour de toi, et reçois les tendres embrassades de ta dévouée mère.
Notes
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Félicité Duméril.
- ↑ Suzanne de Carondelet, épouse d’Antoine de Tarlé.
- ↑ Alexandrine Cumont, épouse d’Auguste Duméril (l’aîné).
- ↑ Le mariage d’Auguste avec sa cousine Eugénie Duméril.
- ↑ Probablement le père d’Eugénie, Auguste Duméril (l’aîné).
- ↑ Domestique chez les Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et Félicité habitent rue Saint-Victor.
- ↑ Jardinier chez les Duméril.
- ↑ Caroline et Léon, enfants de Félicité et Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Auguste Duméril (l’aîné).
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, « Lettres relatives à notre mariage », p. 184-187
Pour citer cette page
« Vendredi 26 août 1842 (A). Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son fils Auguste Duméril (Lille) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_26_ao%C3%BBt_1842_(A)&oldid=35953 (accédée le 7 novembre 2024).
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