Vendredi 25 mai 1917
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
Brunehautpré, 25 Mai 17
Mon cher Louis,
Tu dois trouver que nous mettons peu d’empressement à te féliciter de ton magnifique avancement. Pour peu que tu aies souvent pareille surprise en revenant de permission, ta carrière militaire sera brillante ! On disait jadis que chaque soldat avait son bâton de maréchal dans sa giberne, maintenant il n’y a plus de gibernes, et presque plus de maréchaux, mais les soldat peuvent entrevoir les étoiles et je ne vois pas pourquoi tu ne mettrais pas une noble ambition à les contempler en rêve. Nous sommes partis hier matin Michel[1], Françoise[2] et moi quoique je fusse presque sans voix, parce qu’il fallait partir pour que Michel utilise sa permission. Le reste, tout le reste de la famille suivra le mouvement dans quelques jours et amènera un renfort de domestiques. Louise n’est pas encore guérie et c’est Pauline[3] qui cuisine. Lucie[4] et les enfants[5] se décident à venir ici quoique ce soit dommage de laisser Henri seul. Mais ils ont en vue à Meudon une maison qui ne sera libre que le 15 Juillet alors Lucie va passer ici une quinzaine pour assurer tout de suite le changement d’air dont ses enfants et surtout Geo ont besoin et elle ira d’ici faire sa saison de Wimereux. Henri prendra pendant ce temps sa permission et ils s’installeront fin Juillet à Meudon pour le reste de l’été, été qu’ils prolongeront jusqu’à l’hiver et même au-delà si les enfants vont bien. Depuis qu’ils sont revenus de Versailles, ils n’ont pas cessé d’être malades. Jacques[6] a été aussi assez fortement grippé et n’aurait pas été en état de partir hier. Cette grippe a fait, en affectant différentes formes, le tour de la maison et c’est elle que j’ai emportée. Pour Henri elle s’est manifestée par un énorme clou près de l’œil droit et pour Jeanne[7] sous forme d’abcès dans la bouche.
Brunehautpré est bien joli et je me réjouis à l’idée de voir bientôt toute la marmaille se répandre dans l’herbe et courir sous bois à la recherche des vaquettes[8].
Ton pauvre papa arrive peut-être en ce moment à Lyon. Je l’ai laissé en proie à un gros ennui créé en grande partie par l’entêtement de Guy[9] et il était à peu près décidé à se mettre en route pour Lyon où Hochstetter doit se trouver fort embarrassé entre des ordres contradictoires.
Je t’embrasse tendrement, mon beau brigadier.
Emy
Notes
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Françoise Maurise Giroud, veuve de Jean Marie Cottard, cuisinière chez les Froissart.
- ↑ Louise Bruche, épouse de Georges Bénard, et Pauline Levecque, veuve de Philibert Vasse, employées par les Froissart.
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
- ↑ Anne Marie, Georges (Geo), Geneviève et Odile Degroote.
- ↑ Jacques Froissart, frère de Louis.
- ↑ Jeanne Veillet employée par les Froissart.
- ↑ Vaquette : l’un des noms vernaculaires de l’arum tacheté ou gouet tacheté.
- ↑ Guy de Place.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 25 mai 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_25_mai_1917&oldid=56464 (accédée le 21 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.