Vendredi 25 août 1916

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Saint Cloud) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)

original de la lettre 1916-08-25 pages 1-4.jpg original de la lettre 1916-08-25 pages 2-3.jpg


Saint Cloud 25 Août 16[1]

Saint Louis

Mon cher petit,

Je n’ai pas eu hier une minute pour te souhaiter ta fête, mais les souhaits un peu tardifs n’en sont pas moins bons, n’est-ce pas ? J’ai bien prié pour toi ce matin à la messe et maintenant je viens t’embrasser du petit jardin de la rue Pigache[2], tout en regardant jouer Jacqui[3] que je trouve en excellent état. Je suis installée ici depuis hier car Jacques est parti hier matin pour le dépôt de Versailles et s’attend à être envoyé dès aujourd’hui dans une formation automobile à Amiens où il va retrouver peut-être Henri[4].

J’ai eu avant-hier la surprise bien inattendue de voir arriver Pierre[5] avec 48h de permission qui, par un miracle assez commun, vont jusqu’à Dimanche à midi. Il va être rattaché à son 21e Corps et envoyé avec la 10e armée au front dans la Somme, au sud, sans doute, dès le 29 août. Il est en excellent état ce bon Pierre et plein d’entrain. J’ai tout de suite télégraphié à ton papa[6] qui est arrivé hier soir.

Il a dû dîner à Bamières avec Marguerite Lefebvre[7] et a pris le train à Abbeville. J’ai eu ces renseignements ce matin par le téléphone et je pars actuellement pour déjeuner avec mes 2 hommes[8].

3h. Je termine ma lettre rue de Sèvres[9], en compagnie de ton papa et de Pierre qui travaillent ensemble à corriger des épreuves faite avant-hier à Ronéo sous mes auspices, épreuves d’une lettre au Sénateur Milliès-Lacroix chargé d’enquêter à Lyon sur les pièces dont la vente a été interdite. La famille est affolée de l’entreprise de ton père ; ta tante Marie de Fréville[10] et tante Marie Duméril[11] ensemble à Livet se sont hypnotisées et suggestionnées d’une l’autre pour trouver des périls affreux pour la maison D.J.C.[12] dans l’issue qui est le triomphe de ton papa. Celui-ci d’ailleurs, je dois en convenir, n’est pas moins hypnotisé sur les avantages de l’opération, s’étant suggestionné lui-même sur la nécessité de sa campagne et sur l’excellence des raisons qu’il évoque pour rendre nos clients responsables des dégâts. En somme, l’avenir seul décidera du succès de l’entreprise à laquelle ton papa s’est voué avec tant d’ardeur ou du bien fondé des craintes de ses co-associées. Au fond, je crois que tout le monde s’emballe un peu, mais du moment que la campagne est engagée et poussées très loin déjà ce serait stupide de fou de vouloir l’enrayer ou en gêner la marche. Qu’on laisse donc faire ton papa qui saura toujours en sortir. Il n’y a que les gouvernements monarchiques qui arrivent à des résultats certains !

T’ai-je dit déjà que j’avais vu à Amiens où j’ai pu passer 1h ½ au Buffet, Henri[13] et M. Martin, ce dernier arrivé depuis peu dans la Somme, et se préparant à attaquer à Curlu dans le proche voisinage du 9e Cuirassiers. Elise[14] savait par son frère[15] qu’il s’apprêtait à faire une attaque, mais il semble, jusqu’à présent, que ce soit peu grave, mais encore !...

Je t’embrasse tendrement cher petit et t’envoie mes meilleurs vœux de fête auxquels j’ajoute un cake de Corcellet[16]. Bons baisers de ton papa, amitiés de Pierre.

Emy


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil.
  2. Rue Pigache à Saint Cloud, où habite depuis peu la famille de Jacques Froissart.
  3. Jacques Damas Jacques Froissart, fils de Jacques Froissart.
  4. Henri Degroote.
  5. Pierre Froissart, frère de Louis.
  6. Damas Froissart, qui était à Brunehautpré.
  7. Marguerite Froissart, veuve de Gaston Lefebvre.
  8. Léon Damas et Pierre Froissart.
  9. Rue de Sèvres, où habitent Emilie et Damas Froissart à Paris.
  10. Marie Mertzdorff, veuve de Marcel de Fréville.
  11. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril.
  12. Les établissements Duméril, Jaeglé et Compagnie.
  13. Henri Degroote.
  14. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  15. Probablement Maurice Vandame.
  16. Corcellet, célèbre marchand de comestibles parisien, avenue de l’Opéra.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 25 août 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Saint Cloud) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_25_ao%C3%BBt_1916&oldid=53734 (accédée le 15 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.