Vendredi 17 août 1883

De Une correspondance familiale

Lettre de Paule Arnould (Paris) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville


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Paris - 17 Août 1883.

Ma Marie chérie,

D’après ce que ta Tante[1] m’a dit hier soir, tu quitterais aujourd’hui Launay ; c’est ce que j’attendais pour t’écrire après avoir laissé passer le 15 août[2] sans t’envoyer un mot d’amitié en réponse à ton excellente lettre. Oui, mon Amie chérie, je sais que tu compatis à nos peines et les partages avec nous, et il  y a des moments où elles sont vraiment bien cruelles. Voici trois mois qui sont trois mois de vraie agonie pour notre Mathilde[3] bien aimée, chaque semaine une souffrance s’ajoute à une autre souffrance et je ne peux pas comprendre où elle trouve un reste de courage pour les supporter comme elle le fait. Il faut que le bon Dieu la soutienne et pour cela que tous ceux qui nous aiment continuent à prier pour elle. Il nous semble souvent que la mesure de ce qu’elle peut souffrir est comble et ses forces épuisées, mais il lui en reste encore plus qu’on ne pourrait croire et le bon Dieu veut lui faire faire un sacrifice plus grand encore. Quoique les heures qu’elle doit encore passer avec nous soient comptées, je t’avoue que je finis par prendre une espèce d’habitude du danger qui nous menace ! cela me semble étrange à moi-même quand j’y songe ! et je ne me comprends plus…

J’ai bien vu trois fois ta chère Tante et Émilie[4], la dernière fois hier, ce qui m’a étonnée, car je les croyais parties, et justement elles venaient nous dire adieu. C’est bon de vous avoir pour amies, mes Marie et Émilie chéries et votre chère Tante. Vous savez si bien nous dire comme vous nous aimez, et c’est bon quand on a le cœur triste de s’entendre répéter ce qu’on sait déjà, c’est vrai.

Émilie m’a l’air bien, nous nous sommes trop peu vues et nous avons trop peu parlé d’elle pour savoir beaucoup ce qu’elle pensait ; elle n’a pas pu non plus se montrer bien gaie, mais et elle m’a paru surtout sérieuse et très calme, ce qui me paraît être le principal au moment d’un mariage. Elle m’a dit que la date en serait peut-être avancée, j’ai envie de m’en réjouir puisque cela te ramènerait, ma bonne Marie chérie, et je serais bien contente de te revoir et d’embrasser tes petits chéris[5] que j’aime tant. Tu es bien gentille de m’en avoir parlé ; je crois, comme toi, que ta petite Jeanne aura facilement, malgré une bonne santé, un teint un peu pâle ; tu étais comme cela quand je t’ai connue, et tu n’étais pas malade cependant.

Notre chère Henriette[6] est revenue de Wimereux, elle a été un peu souffrante à la fin de son séjour. Elle va mieux mais elle rentre dans un Bellevue que la présence de sa pauvre Grand-mère[7] ne rend pas gai.

Au revoir, ma bonne petite Marie, merci, merci encore de tout ce que tu m’as écrit, je ne sais ce que je t’ai écrit, car après avoir été dérangée plusieurs fois, j’ai terminé tout en écoutant la visite du médecin.

Embrasse Jeanne et Robert pour moi et offre à ton Mari[8] un souvenir bien affectueux. Je t’envoie mille tendresses et mille mercis.

Bien à toi

Paule.

Marcel[9] a été passer 15 jours au Havre. Louis a été le chercher et le ramène Lundi.           


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  2. 15 août, fête de Marie.
  3. Mathilde Arnould, sœur de Paule.
  4. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie, qui doit épouser Damas Froissart.
  5. Jeanne et Robert de Fréville.
  6. Henriette Baudrillart.
  7. Marguerite Geneviève Jenny Trouvé, veuve de Samuel Ustazade Silvestre de Sacy.
  8. Marcel de Fréville.
  9. Marcel (11 ans) et Louis (19 ans) Arnould, frères de Paule.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 17 août 1883. Lettre de Paule Arnould (Paris) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Launay près de Nogent-le-Rotrou) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_17_ao%C3%BBt_1883&oldid=56863 (accédée le 19 avril 2024).

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