Vendredi 15 juillet 1887 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre de Clémentine Declercq, épouse de Félix Devot (Le Havre), à sa cousine Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann)


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Le Havre 15 Juillet

Ma chère Félicité

Je tiens à te dire que nous sommes avec vous de cœur dans la nouvelle épreuve qui vous frappe[1]. Je sais combien vous aimiez la femme si parfaite qui a remplacé votre chère Caroline[2] auprès de vos petites-filles[3] ; je sens quels cruels souvenirs cette mort doit réveiller en ce moment. Et la douleur de votre ami[4] et de vos petites-filles, qui s’ajoute à la vôtre. Ma bonne Félicité je prie Dieu de vous soutenir tous dans cette grande épreuve. Combien la vie de M. Milne-Edwards sera triste désormais : quel vide doit laisser l’absence d’une telle femme. Nous qui avons été accueillis par elle d’une manière si bonne si aimable, nous ne pourrons l’oublier ; nous nous souviendrons et nous prierons avec vous.

Cette année est vraiment cruelle pour la famille ; chaque mois est marqué par un deuil. Notre cher cousin Théophile[5], si vite séparé de sa femme, quand on était à peine remis des craintes de l’affreux accident de Fidéline[6]. Ici nous perdions en quelques jours une jeune cousine de 24 ans qui était pleine de santé à l’arrivée d’Adèle[7] chez nous, et dont notre gendre Hervouët admirait la beauté et la bonne grâce ; de tous côtés ce sont des séparations, et la vie en est toute attristée.

Nous attendons Sophie[8] le 21. Elle a quitté l’Algérie le 18 Juin, mais elle a pris la route de Port-Vendres et suivi son chemin dans l’Ouest jusqu’à Angers, où elle s’est arrêtée chez son beau-père[9]. Les enfants[10] avaient souffert des derniers temps en Algérie, et avaient besoin de se refaire. Ils sont chez M. Billot dans les meilleures conditions : une belle campagne et tous les avantages qui s’y trouvent pour les enfants ; aussi Sophie me dit qu’ils sont bien maintenant. Mais notre fille a une nouvelle épreuve ; en passant à Alger, son mari a appris son changement ; il est nommé à Aumale, dont le climat est moins bon, se trouvant éloigné de la mer, ce sera froid l’hiver et bien chaud l’été, il est même à désirer que Sophie et ses enfants n’y restent pas pendant les mois d’été. Ils étaient contents à Dellys, et relativement bien comme climat ; ils avaient d’excellentes relations que Sophie ne reverra plus. Cette carrière militaire a des imprévus et demande de la philosophie, je dirai même souvent de la résignation.

Nous pensons rester ici avec Sophie un mois environ et aller ensuite tous à Etreux, où il sera bon se trouver réunis. Gustave[11] doit pendant ce temps faire une saison aux eaux d’Aulus[12].

Donne-moi de vos nouvelles ma chère Félicité, j’ai besoin de savoir comment tu te trouves ; je te sais si sensible à toutes les douleurs ; je crains pour toi la cruelle épreuve qui vous frappe. Parle-moi du ménage de Léon[13], de tes petits-enfants, de ton mari[14]. Nous nous unissons ici pour vous dire toute notre sympathie et toutes nos amitiés

Je t’embrasse bien de cœur

Ta cousine

C. Devot


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards, vient de mourir.
  2. Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff, et mère de Marie et Émilie.
  3. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Théophile Léonard Vasseur, qui a perdu son épouse Adèle Werquin.
  6. Fidéline Vasseur.
  7. Adèle Devot, épouse de François Hervouët.
  8. Sophie Devot, épouse de Camille Billot.
  9. Auguste Billot.
  10. Henriette, Camille et Félix Billot.
  11. Gustave Devot.
  12. Aulus-les-Bains, dans le département de l'Ariège.
  13. Léon Duméril, époux de Marie Stackler et père d'Hélène et André Duméril.
  14. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 15 juillet 1887 (A). Lettre de Clémentine Declercq, épouse de Félix Devot (Le Havre), à sa cousine Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_15_juillet_1887_(A)&oldid=57750 (accédée le 3 décembre 2024).

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