Vendredi 15 août 1862
Fragment d’une lettre d’Eugénie Duméril (Fontainebleau) à sa sœur Félicité Duméril (Vieux-Thann) - lettre recopiée
Chère et bonne Félicité ; Fontainebleau 15 Août
Je comprends que tu sois constamment en proie à des regrets de tous genres, car le malheur les amène toujours, et c'est un des vices de notre organisation, que de croire que nous pouvons par une prévoyance des événements que, grâce à Dieu, il ne nous est pas donné de posséder, en arrêter la marche ; quand au contraire l'homme est si impuissant à changer l'ordre de sa destinée, qu'il se voit forcé alors de reconnaître la suprême volonté de Dieu. Si Caroline[1] a été atteinte si inopinément de la cruelle maladie qui devait la ravir si jeune aux plus chères affections qu'il soit donné de connaître en ce monde, c'est présumablement parce que, par la vertu qu'elle déployait, par la manière dont elle usait de son bonheur, elle s'était acquis assez de mérites pour avoir suffisamment accompli sa tâche. La vôtre est rude aujourd'hui mais la pensée que vous serez tous réunis un jour, doit te donner des forces pour accomplir l'œuvre d'abnégation léguée par ta chère Caroline. Nous pensons constamment à toi et voudrions te savoir moins ébranlée. Je sens combien la présence de Constant[2] t'est nécessaire et voudrais que vous puissiez vous voir chaque jour. Soigne-toi bien je t'en conjure. Repasse souvent dans ta mémoire la phrase que Caroline a adressée à Eugénie Desnoyers, et qui semble avoir été formulée en prévision du malheur qui vous atteint si cruellement. Console-toi aussi par la pensée que l'éducation que ta chère enfant a reçue de toi a produit de grandes vertus dont elle est certainement récompensée. Il est une douleur plus poignante encore que celle que vous subissez, c'est de voir entrer dans la mauvaise voie ceux à qui on a consacré tous ses soins. Léon[3] est un charmant et bon jeune homme qui, j'en suis sûre, ne vous donnera que de la satisfaction, et la mémoire de sa sœur bien aimée aura encore sur lui une influence salutaire. Vos chères petites filles[4] réclament toute votre tendresse et votre dévouement. Oh ma bonne Félicité, je sens toute l'étendue de tes souffrances.
Notes
- ↑ La fille de Félicité, Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff, est décédée le 7 juillet.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité, reste à Morschwiller.
- ↑ Léon Duméril, fils de Félicité, frère de Caroline.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
Notice bibliographique
Fragment de lettre recopiée dans la lettre suivante, du 29 août.
Pour citer cette page
« Vendredi 15 août 1862. Fragment d’une lettre d’Eugénie Duméril (Fontainebleau) à sa sœur Félicité Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_15_ao%C3%BBt_1862&oldid=35766 (accédée le 3 décembre 2024).
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