Vendredi 14 juin 1901

De Une correspondance familiale



Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Douai, 14 Juin.

Ma chère Marie,

Tu me crois rentrée à Douai depuis hier et tu ne t’imaginais guère qu’hier après-midi, je me promenais avec mes filles[1], à la chute du Rhin. C’est tout à fait malgré moi et vous allez bien rire en enregistrant cette nouvelle aventure qui s’ajoutera à la liste déjà longue des mésaventures du voyage. Notre programme s’est accompli de point en point jusqu’à Landeck : couché à Zurich[2] Lundi soir, vu Zurich sous la pluie (ce qui n’était pas dans le programme) Mardi matin, arrivée à Landeck[3] Mardi à 5h ayant eu un temps très passable pour l’admirable traversée de l’Arlberg ; que c’est beau ! Visite très intéressante des travaux, dîner à l’Hôtel Post, puis départ de Damas[4] à minuit pour Bâle. Mercredi matin promenade avec l’aimable M. Landhofer qui nous a mis dans notre train à 11h. Jusqu’à Feldkirch[5] tout va bien, mais là, n’ayant pas compris les explications un peu trop tyroliennes de mon schaffner[6], j’ai laissé disloquer mon train dont la tête est partie pour Zurich et Bâle, avec notre malle, tandis que nous restions dans un wagon de queue à destination de Bregentz[7] et du Bodensee. J’ai reconnu mon erreur avant que le train fût hors de vue, mais il n’y avait plus de remède et nous avons cherché à prendre gaiement notre parti de l’aventure en allant faire connaissance du lac de Constance. Grâce à l’obligeance de M. Sarasin[8] auquel j’ai tout de suite télégraphié, Damas a pu être prévenu avant de s’être inquiété et j’ai reçu hier matin à Constance les subsides nécessaires pour rapatrier filles et mère jusqu’à Douai. Nous avons fait en bateau la traversée du lac dans toute sa longueur, promenade dans Constance hier matin, arrêt de 3 heures à la chute du Rhin, au grand enthousiasme de mes filles, et nous avons repris notre Bâle-Calais à 10h du soir pour arriver ici à 10h du matin.

Une dépêche de Damas nous avait appris à Constance qu’il était prévenu de notre aventure et qu’il emportait notre malle ; celle-ci cependant n’était pas au bout de ses aventures car ayant [ ] par erreur dans le wagon plombé pour Calais, elle n’est revenue que ce matin. Elles ont été maudites plus d’une fois les petites robes bleues, qu’on avait trop respectées pour les mettre dans une valise !

Mes filles ne sont pas fatiguées, Lucie a été tout le temps d’une gaîté folle et s’est amusée considérablement, Madeleine était un peu plus lasse de regarder et d’admirer. La différence d’âge se faisait bien sentir.

Adieu ma bonne chérie, je t’embrasse tendrement ; cela m’a semblé bien bon de te voir, mais je t’ai trop peu vue, nous n’avons jamais pu causer. J’ai envoyé les 2 volumes de Miss Yonge[9] à Jeanne[10] séparément par la poste.

Émilie


Notes

  1. Lucie (15 ans) et Madeleine (12 ans) Froissart.
  2. Émilie écrit «  Zürich ».
  3. Landeck est une commune autrichienne du Tyrol.
  4. Damas Froissart.
  5. Feldkirch (land autrichien de Vorarlberg) est situé à la frontière avec la Suisse.
  6. Schaffner : contrôleur, conducteur.
  7. Bregentz, en Autriche, au bord du lac de Constance (Bodensee).
  8. Alfred Sarasin-Iselin, banquier à Bâle ?
  9. Charlotte Mary Yonge.
  10. Jeanne de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Vendredi 14 juin 1901. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_14_juin_1901&oldid=54416 (accédée le 15 novembre 2024).

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