Vendredi 13 octobre 1916

De Une correspondance familiale


Lettre de Guy de Place (mobilisé) à M. Meng (Fellering), accompagnée de divers documents


original de la lettre 1916-10-13 page 1.jpg original de la lettre 1916-10-13 page 2.jpg original de la lettre 1916-10-13 page 3.jpg


Le 13 Octobre 1916[1]

Mon cher Monsieur Meng

J’ai bien reçu votre lettre du 6 octobre, et le pli recommandé qui a suivi (avec la procuration de M. Hochstetter). Vous voudrez bien remercier ce dernier de ses lignes du 4 qui me sont également parvenues. Veuillez lui dire que s’il apprenait quelque chose d’autre sur l’interprétation qui a pu être donnée à l’opposition faite par M. Froissart[2], il veuille bien me le faire savoir car je tiens à être documenté, même et surtout sur les appréciations qui pourraient être désagréables.

Vous voudrez bien m’envoyer les noms de clients qui ont reçu en France des pièces qui étaient en admission temporaire, au fond d’ailleurs pour ceux-là cela n’a d’importance que si les pièces venaient par exemple de Suisse et après tout c’est à l’Intendance ou au Séquestre, qui leur a remis les pièces, d’en porter la responsabilité. Je me demande du reste si un jour il n’y aura pas un énorme conflit entre le séquestre et les futurs acheteurs des pièces de Lyon. Ces pièces n’ont pas pas payé de droit de douane en entrant en France et il y en a beaucoup qui sont des marchandises non pas même alsaciennes (ce qui permettrait de les dire françaises) mais bien allemandes. La douane ne perd pas facilement ses droits : ne réclamera-t-elle pas un beau jour le paiement des droits d’entrée, et à qui ? au séquestre, à [l’intendance], à l’acheteur. Pas à nous en tous cas, car nous n’avons rien à voir là-dedans. M. Hochstetter a-t-il jamais entendu [soulever] la question ?

Je n’ai aucune raison de vous en vouloir pour avoir traité directement avec M. Froissart la question comptabilité et cela d’autant moins qu’au point de vue comptable proprement dit tout ce que nous faisons en ce moment n’a aucune valeur. Il est nécessaire et intéressant d’avoir dès à présent le plus de renseignements possibles sur notre situation et d’essayer d’y voir clair. à ce point de vue tout ce que vous avez fait est certainement très bien fait ; mais il ne saurait être question de clore des comptes et cela pour les motifs même que vous invoquez. Si même je les avais en ma possession je me refuserais à les contresigner et à leur donner ainsi une valeur légale. Dans ces conditions il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’ils vous servent de Base pour continuer vos écritures mais j’estime qu’on ne pourra établir de bilan définitif et réel qu’à la fin des hostilités. A ce moment-là seulement nous pourront faire quelque chose qui tient debout, sans compter que dans l’établissement de ce Bilan il faudra tenir compte de nos Bâtiments en ruine. Il est donc inutile de me recopier ce dossier (que je n’aurais sans doute pas le temps de lire). Quand je verrai M. Froissart j’y jetterai un coup d’œil. Tout cela sera très intéressant à titre documentaire, et le travail déjà fait ne sera pas à refaire plus tard. Cela vous permet à vous-même d’y voir clair et vous n’aurez plus qu’à tenir à jour ce que vous avez fait. Vous avez dû avoir là un travail énorme ; je suis heureux de savoir cet arriéré au point, mais en somme vous reconnaissez vous-même que les documents vous manquent pour qu’il soit possible de transformer le dossier en pièce officielle.

Aussi longtemps que M. Schehr travaille avec vous vous pouvez lui donner les 140 F par mois, à condition que les autres employés qui travaillent avec vous et qui avaient un salaire égal ou supérieur avant la guerre ne touchent pas moins de 140 F. Il ne faudrait pas que M. Schehr touche plus que des employés travaillant aussi et qui avaient un salaire supérieur en temps de paix.

J’ai toujours de mauvaises nouvelles de Mme Duméril[3] ; le danger est peut-être moins immédiat qu’il y a une huitaine, mais tout espoir de guérison doit malheureusement être écarté. Quant à mon Beau-frère[4], je crois que depuis 2 ans on a tout essayé pour en avoir des nouvelles, depuis le Pape[5] jusqu’au Roi d’Espagne[6] mais jamais on n’a pu retrouver sa trace.

Bien cordialement à vous

GP


Notes

  1. La lettre porte un cachet militaire.
  2. Damas Froissart.
  3. Marie Stackler, veuve de Léon Duméril.
  4. André Duméril (†).
  5. Benoît XV, pape de 1914 à 1922.
  6. Alphonse XIII (voir la lettre du 15 septembre 1916).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 13 octobre 1916. Lettre de Guy de Place (mobilisé) à M. Meng (Fellering), accompagnée de divers documents », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_13_octobre_1916&oldid=53690 (accédée le 21 décembre 2024).

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