Vendredi 10 septembre 1886
Lettre de Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Paris) à leur petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au Houssay dans l'Orne ?)
Paris 10 Septembre 1886
Ma chère Marie
Je t’aurais écrit d’Émalleville si j’avais su où t’adresser ma lettre.
Tranquillise-toi complètement au sujet des yeux de ta bonne-maman[1] qui n’ont pas été malades : elle a éprouvé du trouble dans la vue, du désaccord dans les yeux & voyait double par moments & il passait aussi des brouillards, mais tout cela provenait d’un coup qu’elle s’était donné à la tempe qui lui a fait grand mal mais dont elle a parlé comme n’étant rien, de sorte que ce n’est qu’au bout de quelques jours & en voyant une contusion marquée auprès de l’œil que nous avons remarqué la coïncidence ce qui nous a rassurés, mais, ma pauvre femme a été très tourmentée de l’idée que sa vue allait peut-être sérieusement s’affaiblir & qu’elle ne pourrait peut être plus travailler, & malgré l’avis très rassurant d’un bon médecin d’Évreux, qui était venu pour un ouvrier malade : elle a vivement désiré avoir l’opinion de M. Stackler[2] qui est venu de suite à notre retour & persuadé aussi que le trouble de la vue était occasionné par le coup qui a dû froisser quelque nerf & lui a affirmé que c’était un accident tout à fait passager : au reste la vue est presque complètement rectifiée & il n’y a plus à s’en préoccuper.
Nous nous étions mis en route pour Émalleville avec l’intention d’y passer quinze jours ou trois semaines, nous y sommes restés 20 jours 18 jours ; mais nous aurions eu de la peine à résister aux charmantes sollicitations de nos neveu & nièce[3] pour nous garder plus longtemps sans ce petit événement.
Voilà que maintenant Émilie[4] nous renouvelle si affectueusement son invitation pour aller les retrouver à Brunehautpré que nous avons cédé & promis d’y aller dans le courant de la semaine prochaine & je vois que vous ferez comme nous à la fin du mois. S’il n’est pas facile de mettre en mouvement de vieilles bonnes gens comme nous, il ne l’est guère plus de se transporter avec toute une smala & une position aggravante[5] : tout cela prouve le plaisir qu’on a à aller retrouver ta charmante petite sœur & son si excellent mari & aussi combien il est difficile de résister à leur entraînante manière de vous attirer.
Nous aurons donc bien probablement le plaisir de nous retrouver sous peu & de vous parler de vive voix des agréables sensations & des bons souvenirs que nous rapportons de notre séjour chez les Georges qui sont bien près de vous en ce moment.
Merci de tout ce que tu nous dis sur tes enfants ; tu sais combien cela nous intéresse & nous donne envie de les revoir tous ainsi que les mioches Froissart[6].
Nous sommes rentrés samedi mais nous n’avons encore vu ni Paul ni Fidéline[7] auxquels nous n’avons annoncé notre retour qu’avant-hier, nous ignorions qu’ils (les Paul[8]) n’eussent loué leur pavillon à Versailles que pour six semaines : c’est en effet bien imprudent : nous le leur dirons.
Nous avons de bonnes nouvelles des Léon[9] : se trouvant bien de leur traitement ils le continuent jusqu’au 15 Courant.
Et ma femme qui m’a dit de lui réserver de la place ! Au revoir donc à tous parents & enfants, & présente nos affectueux compliments à vos aimables & si sympathiques hôtes.
Le bon-papa
C. Duméril
Combien je suis touchée ma bonne petite Marie de tout ce que renferme ta lettre si affectueuse. Rassure-toi à mon égard, l’œil gauche va mieux. M. Stackler m’a indiqué des compresses trempées dans l’eau chaude que j’emploie avec succès. Nous avons été bien gâtés à Émalleville et nous le sommes par vous tous, mes chers enfants, qui nous entourez sans cesse des marques les plus touchantes d’affection. Rappelle-nous, je te prie, au bon souvenir de Monsieur et Madame Villermé[10], je me rappelle combien tous deux avaient eu la bonté de s’intéresser vivement au coup à la tête que je m’étais donné il y a dix-huit mois ; décidément ils doivent se dire que je suis bien maladroite de me cogner ainsi, et cependant je crois qu’on ne peut pas craindre plus que moi les coups à la tête car tu dois te rappeler mon désir de voir revenir en usage les bourrelets pour les enfants. Je ferais bien d’en porter un si je ne craignais d’être trop cocasse. Au revoir ma chère enfant mille tendres amitiés pour toi, Marcel et les enfants.
Félicité Duméril
après midi
Nous venons d’avoir une bonne longue visite de Paul, sa femme va bien, elle accouchera probablement à la fin de ce mois-ci. Ils ont loué leur pavillon pour 6 semaines avec faculté de prolonger s’ils veulent.
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Henri Stackler.
- ↑ Georges Duméril et son épouse Maria Lomüller (« les Georges »).
- ↑ Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
- ↑ Marie Mertzdorff-de Fréville a trois enfants jeunes (Jeanne, Robert et Charles) et est enceinte.
- ↑ Jacques et Lucie Froissart.
- ↑ Fidéline Vasseur ?
- ↑ Paul Duméril et son épouse Marie Mesnard, enceinte de Jean Duméril.
- ↑ Léon Duméril et son épouse Marie Stackler, à Champel, près de Genève.
- ↑ Louis Villermé, propriétaire du domaine du Houssay dans l'Orne, et son épouse Antonie du Moulin de La Fontenelle.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vendredi 10 septembre 1886. Lettre de Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (Paris) à leur petite-fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (au Houssay dans l'Orne ?) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_10_septembre_1886&oldid=53747 (accédée le 3 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.