Vendredi 10 juin 1791
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)
N° 3[1]
Rouen ce 10 Juin 91
Papa,
On s’ennuie peut-être ici de ne pas recevoir de mes nouvelles, mais les occasions sont rares. J’ai vu passer hier devant la porte le fils de M. Beaucaisin, dans la Rue des verts-aulnoits avec qui j’ai fait mes études. Je l’ai arrêté ; Ce sera une connaissance pour moi qui me fournira peut-être des occasions. J’ai été porter l’argent de Magdelon Cozette chez une dame Allait qui est une Cozette : elle allait souper avec son mari ; ils m’ont voulu faire mettre à table, et sur ce que je les refusais, ils m’ont engagé à y aller le dimanche suivant, mais néant au bas de la requête. Ils m’ont dit que vous aviez un procès entre les mains qui les regarde et ils m’ont chargé de vous demander ce qu’il en est. Le fils de Cozette[2] de notre rue est venu me voir pour avoir des nouvelles de son père, auquel il écrit sans pouvoir avoir de réponses. Dites à ma sœur[3] de s’informer où il demeure. Je ne m’ennuie point ici. Je songe à vous et voilà tout. J’ai à travailler, car sans cela l’idée du pays, je crois, m’occuperait de temps en temps. Le cours de Botanique commence le lendemain des fêtes, il est dispendieux ici, car pendant le cours, on fait trois herborisations où l’on dîne et collationne en route et qui coûtent chacune trois livres, mais je ferai en sorte d’en éviter une. On m’a dit qu’il faudrait rendre mes comptes quand j’aurais besoin d’argent et ménage-le car nous ne sommes pas riches.
Voilà mes comptes :
- Encrier…8s
- Crayon, j’en ai besoin aux herborisations…12s
- brosse aux habits…12s
- houppe…12s
- poudrière…8s
- pommade et poudre…8s
- brosse aux boucles…3s
- Canif…15s
- Miroir…1ll 2s
- plumes…1s
- Papier…3s
- Cocarde…12s
- Couteau…12s
- Collations et déjeuners…14s
7ll 2s
avec le voyage, il me reste 6ll moins quelques sous. Vous pourrez me faire passer un petit coupon et je prierais M. Thillaye de me le changer. Je me rappelle qu’à Amiens les pièces six sols, les plus mauvaises passent pour 4 s 6 d ici pourvu que ce soit de l’argent elles sont bonnes : Ainsi que les pièces deux sols, pourvu qu’elles aient la moindre marque : Ainsi faites-en une collection.
Vous direz à maman[4] que je n’ai pas le quart de ce qu’il faut de serpillières[5] : il m’en faut une, chaque semaine, et je n’en ai que quatre, qui ne sont ni assez longues ni assez larges, il faudrait avoir de la toile d’environ cinq quarts de large. Cependant en les faisant laver à Rouen, j’en aurai assez de huit en tout. Mes habits des jours ouvriers sont un peu chauds, surtout ma veste, mais ce temps chaud ne durera pas. Si l’on veut m’écrire par monsieur d’Eu[6] c’est fort aisé : papa lui écrira un mot et mettra la lettre dans celle-là, et on lui fera remettre par Montfleury[7]. Je me porte bien et je suis
Votre fils Constant Duméril.
Notes
- ↑ Ce numéro 3 est en réalité la première en date des lettres recopiées dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril et la première adressée à ses parents après son arrivée à Rouen. Les numéros 1 et 2 attribués à tort par le copiste, datent en fait de 1792.
- ↑ Michel Henri Cozette, fils de Pierre François.
- ↑ Reine Duméril.
- ↑ Rosalie Duval.
- ↑ Tablier long fait d’une toile grossière et lâche en fil d’étoupe.
- ↑ Louis Joseph Deu de Perthes.
- ↑ Florimond Duméril, dit Montfleury, frère d’André Marie Constant.
Notice bibliographique
D’après le livre des lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 40-43
Pour citer cette page
« Vendredi 10 juin 1791. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_10_juin_1791&oldid=55523 (accédée le 21 décembre 2024).
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