Samedi 31 décembre 1864

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)


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Vieux-Thann

31 Décembre 64

Ma chère petite Gla,

Dire que nous voici réduites à nous écrire une lettre de nouvel an ? Je ne sais si ça te fait le même effet, mais autant je trouve stupide ces compliments d’usage adressés aux indifférents, autant je trouve que, lorsqu’on est séparé de ceux qu’on aime vraiment, on a besoin de leur dire, dans certains moments, qu’on pense toujours à eux et qu’on voudrait bien les embrasser. Les souhaits que je forme pour toi, ma Chérie, ne sont pas de ceux dont je parlais tout à l’heure, tu sais que pour toi c’est du fond du cœur que je forme des souhaits, je voudrais te voir tout ce que tu peux désirer encore, mais nous savons si peu tous, ce qui nous convient qu’on ne peut que s’en rapporter à la Providence.

Ta bonne lettre m’a fait bien plaisir et je t’en remercie.

Tu mènes une vie bien agitée mais c’est bon signe. Et le monde ? quand fais-tu ta rentrée ? J’ai vu les toilettes de ma belle-sœur[1] c’est magnifique. Si tu en désires la description : < > la dernière faite, robe de taffetas mauve, un volant de 35 cm plissé, une jupe presque aussi longue que le volant derrière et se relevant à la hauteur du volant devant, cette jupe garnie d’une blonde[2] de 10 <le long> d’une ruche et d’une autre blonde, de chaque côté fendue et rattachée par des grosses torsades avec glands, corsage décolleté rond, avec blonde cousue à la taille, corsage violet jusqu’au-dessus des bras, le reste en tulle bouillonné par-dessus de la soie blanche, manche courte bien ample et fournie de tulle, un ruban n°<14> violet attaché sous le bras et noué sur l’épaule c’est à dire sur la manche, pas de très grands bouts. C’est une très jolie toilette, ça vient d’une bonne couturière de Paris. Je te griffonne mon papier de ces sortes de choses parce que devant aller dans le monde, ça donne des idées : le volant est doublé de grosse mousseline, lui <étant> cousu après une jupe de grosse mousseline.

Je te reconnais bien dans la manière dont tu agis avec Céline[3]. Pauvre enfant elle doit être si triste, c’est une bonne œuvre que de l’aller trouver souvent. Elle m’a écrit une bonne et affectueuse lettre dont je te pris de la remercier en l’embrassant pour moi. Elle me dit combien dans son malheur elle est heureuse de t’avoir et elle nous prie de reporter sur elle l’affection que nous avions pour notre chère Amélie.

Ça m’ennuie de savoir maman[4] enrhumée. Elle a bien fait de se mettre un emplâtre, elle sait bien qu’elle ne doit pas <lésiner> avec ses maux de gorges, il vaut mieux qu’elle se soigne trop que pas assez.

Ma petite Mimi[5] veut t’écrire pour le nouvel an, nous sommes à <la> 3e bonne-maman[6] sans compter le compliment que papa[7] a fait pour être appris par Founichon[8] et copié par Mimi. Aussi je t’assure que je ne <couds> plus, j’ai écrit à Emilie[9], à Maman, à toi, je voudrais encore écrire à mes tantes[10] mais j’ai peur que le temps me manque et puis je sais si peu sur eux tous que je ne sais qu’écrire. Où est Raymond ? Les pantoufles pour Alphonse[11] sont dans mon armoire depuis notre retour, je n’attends qu’une bonne occasion pour vous les envoyer. J’espère que Maman aura trouvé moyen de t’acheter, de ma part, un petit souvenir.

Adieu, ma chérie, reçois ainsi qu’Alphonse nos plus tendres souhaits pour la continuation du bonheur que vous avez déjà et pour le reste, enfin, soyez toujours bien persuadés que vous avez en nous des cœurs bien dévoués

E. Mertzdorff

11 h Encore un bon petit baiser pour toi ma Chérie. Je suis horriblement pressée. Mimi voudrait t’en écrire bien long, mais le temps et < >

une telle lettre de Mme Auguste[12] en amitié superlative qu’il faut que je fasse écrire Mimi et mette un mot mais je n’ai plus le temps < > je vous aime.

Mes petits choux[13] sont enrhumées. Demain nous avons tout le monde à dîner. Encore de bonnes amitiés de la part de Charles pour vous tous.

Que maman me mette de côté de l’onguent je n’en ai plus qu’un pot et il est très bon.


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  2. La blonde est une dentelle de soie.
  3. Céline Desmanèches, dont la sœur Amélie, épouse d’Emile Delapalme, vient de mourir.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Marie Mertzdorff, fille de Charles.
  6. Marie a trois « bonnes-mamans » : Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et mère de Charles ; Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant et mère de Caroline ; Jeanne Desnoyers, mère d’Eugénie, la seconde épouse de Charles.
  7. Charles Mertzdorff.
  8. Emilie Mertzdorff, seconde fille de Charles.
  9. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel, belle-sœur d’Eugénie.
  10. Possiblement Amable Target, veuve de Constant Prévost ; Marie Emilie Target, veuve de M. Allain ; Eléonore Pauline Lebret du Désert, veuve de Louis Ange Guy Target. « Raymond » n’est pas identifié.
  11. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  12. Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril, grand-tante de Marie Mertzdorff.
  13. Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 31 décembre 1864. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_31_d%C3%A9cembre_1864&oldid=54385 (accédée le 19 avril 2024).

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