Samedi 30 octobre 1915

De Une correspondance familiale

Lettre de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris)

original de la lettre 1915-10-30 pages 1-4.jpg original de la lettre 1915-10-30 pages 2-3.jpg


Commandant Froissart
29, Rue de Sèvres, Paris[1]

Le 30 Octobre 15

Mon cher Louis,

Je t’ai envoyé une dépêche pour avoir le « Projet de Loi sur la Réparation intégrale » que j’ai découpé dans les Débats : j’ai pensé qu’il me serait commode de posséder cette pièce si j’assiste à une conférence très officielle qu’un comité de blocards[2] s’intitulant « solidarité » présidé par le sous-Préfet[3] fait demain à Campagne. Ces gens ont fait main basse sur les fonds recueillis il y a 3 semaines pour les « éprouvés de la Guerre » par de fort gracieuses quêteuses (du monde catholique et libéral plutôt que blocard) et se réservent de distribuer les fonds pour le plus grand profit de l’administration blocarde. Les fonds recueillis et ceux qui pourraient l’être, c’est le groupement qui s’intitule pompeusement « solidarité », la « bienfaisance » ayant un mauvais [masque].

Une lettre de Michel[4], arrivée aujourd’hui, semble faire présager son arrivée très prochaine à Paris. Je lui souhaite la bienvenue : comme tu n’auras pas beaucoup de temps à lui consacrer, je veux prévoir sa très prochaine arrivée à Rang du Fliers et te dire que des changements très importants s’étant faits dans les trains au 1er novembre, il faut absolument vous procurer un indicateur. J’ai la guigne de m’être laissé dérober (je ne sais si c’est par des voyageurs de mon compartiment ou quelque employé de la gare) l’indicateur 1er novembre que je rapportais ici, me trouvant « quelque part » dans ce train au moment de l’arrivée en gare d’Abbeville (où mes compagnes de wagon sont descendues). Donc nous ne savons rien des heures nouvelles et ça peut être gênant si la dépêche nous annonçant l’arrivée de Michel n’est pas très précise quant à l’heure vraie de l’arrivée ! Qu’il nous apporte un indicateur !

Rien de très saillant ici. Ta mère[5] se lève aujourd’hui : en revanche Lucie[6] est au repos depuis aujourd’hui…. Et je m’ingénie à faire en sorte qu’on puisse faire du feu chez elle sans que ça fume – elle habite au-dessus du billard.

J’ai écrit dans l’Eure-et-Loir assez longuement (à des réfugiés dont j’avais vu le nom) avec un très vague espoir d’y trouver 3 valets de charrue dont le père et 2 fils de 15 et 17 ans.

Leroux a tout de même un procès de la gendarmerie, pour avoir – avec une auto sans lumière et lui n’ayant pas le brevet de chauffeur – tué la femme que tu sais[7]. La poursuite est obligatoire : elle fut faite aussi d’office contre Morel[8] qui fut acquitté. Il le sera donc sans doute.

Mille amitiés

D. Froissart


Notes

  1. Tampon.
  2. Blocard : partisan du Bloc des gauches ou Bloc républicain, alliance de forces politiques de gauche créée en1899 en vue des élections législatives de 1902.
  3. M. Gervais, attesté sous-préfet à Montreuil en 1920 ?
  4. Michel Froissart, frère de Louis.
  5. Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  6. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
  7. Possiblement Marie Josèphe Derlot (voir note 5, lettre du 24 octobre 1915).
  8. Probablement Victor Morel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 30 octobre 1915. Lettre de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_30_octobre_1915&oldid=55483 (accédée le 19 avril 2024).

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