Samedi 28 avril 1877
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 28 Avril 1877
Mon Père chéri,
C’est à mon tour aujourd’hui à venir auprès de toi et je t’assure que j’en suis bien aise d’autant plus que j’ai une longue histoire à te narrer et malheureusement pas beaucoup de temps devant moi. Je vais remonter à l’origine des choses. Figure-toi que Jeudi Mme Dumas[1] très fatiguée et très souffrante va avec Jean[2] dîner à Bellevue chez Noël[3] ; elle rentre tard et se couche à 2h du matin, Jean un peu souffrant se réveille et demande à se lever ; tante Cécile encore un peu endormie veut allumer une bougie mais en la prenant elle met le feu à la frange de son rideau de mousseline, elle saute à bas de son lit mais et cherche à l’étouffer avec sa robe de chambre de flanelle mais déjà la flamme était au plafond juge de son effroi. Voyant qu’elle n’y pouvait rien toute seule, elle a réveillé tout le monde et on a été chercher les pompiers qui sont en face et qui sont arrivés à l’instant même et y ont passé toute la nuit heureusement qu’on a pu tout fermer et que le feu n’est pas sorti de la chambre mais l’officier des pompiers disait que si les carreaux avaient éclaté comme toutes les glaces l’ont fait la maison entière y aurait passé ; cette pauvre chambre fait pitié à voir ; les rideaux du lit et le lit lui-même ne présentent plus qu’un monceau de cendres, la montre de tante Cécile est absolument cuite, ses armoires brûlées, son linge, ses chapeaux dans un état affreux tant par l’effet de l’eau que par celui du feu ; c’est horrible à voir tous ses petits bibelots sont cassés et mouillés ; enfin elle estime à 6 000 F les dégâts, heureusement qu’elle était assurée. Jean a été si effrayé qu’il a passé toute la fin de sa nuit roulé dans la peau d’ours dans le salon et a vomi plusieurs fois, ce qui lui a fait le plus de peine c’est la fonte de son beau canon et la mort de son petit serin qui a été asphyxié dans la chambre et sur le corps duquel on l’a trouvé pleurant à chaudes larmes.
Il est bien heureux encore que cet accident se soit borné à cela car il pouvait être très grave. Il ne reste pas miette non plus des rideaux des fenêtres, la flamme y est arrivée immédiatement en [suivant] le vernis des peintures du plafond.
Toute la matinée d’hier s’est donc passée avec cette pauvre tante Cécile qui vraiment n’a pas de chance, par bonheur elle va bien et n’a pas été trop secouée. Moi j’ai été au catéchisme de Jean prendre les notes car il était encore trop souffrant et dans la journée après ma leçon de piano[4] je lui ai fait son analyse. Aujourd’hui il va bien.
Nous venons de recevoir le billet de faire-part de mariage de M. Gastambide[5] avec un petit mot très aimable de sa mère[6] mais comme nous l’avons trouvé en rentant et que ce devait avoir lieu à [7h] nous n’y avons naturellement pas été.
Ce soir doit avoir lieu chez Hortense[7] la fameuse comédie jouée par elle, Emilie Allain et les Buffet, nous irons bien entendu et nous en réjouissons beaucoup.
Je t’ai écrit en un peu moins de 20 minutes pardonne-moi il est l’heure de la poste plus je prends des notes plus j’apprends à écrire vite mais plus aussi je déforme mon écriture. Je t’embrasse comme je t’aime de tout mon cœur.
Ta fille
Mary
Notes
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Jean Dumas, son fils.
- ↑ Noël Dumas, son beau-fils, récemment marié avec Louise de Tournemine.
- ↑ Leçon de piano avec Madame Roger.
- ↑ Jules Gastambide épouse Elizabeth Dhombres.
- ↑ Emilie Delaroche, épouse d’Adrien Joseph Gastambide.
- ↑ Hortense Duval.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 28 avril 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_28_avril_1877&oldid=35553 (accédée le 22 décembre 2024).
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