Samedi 25 février 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


Fs1882-02-25-pages1-4-Charles-déjà tapée.jpg Fs1882-02-25-pages2-3-Charles-déjà tapée.jpg


Vieux-Thann 25 février 82.

Ma chère Marie

Par la lettre d’Émilie[1] je vois qu’elle a une extinction de voix, par contre elle me dit bien qu’elle sort comme si de rien n’était. Je ne m’explique pas le fait & j’aimerais bien avoir le plaisir de te lire à ce sujet. Je crois bien que ce n’est rien d’inquiétant autrement elle ne circulerait pas ainsi, mais comme elle ne me donne aucune explication autre, qu’elle me dit, qu’elle n’a pas mal à la gorge & se porte tout à fait bien.

Lorsque je te dirai qu’il me tarde de revoir & d’embrasser ta petite Jeanne[2] je ne t’apprends rien de nouveau, il me semble que je la trouverai encore bien changée, pourvu que ces vilaines dents, qui sont un petit souci toute la vie, vont se faire comme les premières, dis-lui bien qu’elle n’a pas le droit d’être malade nous ayant prouvé qu’elle savait bien faire des premières fois, il ne lui est plus permis de mal faire. Ce sont là des conséquences logiques bien élémentaires.

Il me semble ma petite Mie qu’il y a assez longtemps que je n’ai pas eu le plaisir de te lire ; j’ai cependant de bonnes nouvelles de vous tous par Émilie.

Tante[3] va mieux mais pas encore comme l’on voudrait, c’est long, il me semble la voir s’impatientant de ne pouvoir agir comme elle voudrait.

D’ici je n’ai que de bonnes nouvelles à te transmettre, Hélène[4] va tout à fait bien, elle prospère à vue d’œil, est grasse comme une caille & lourde comme du plomb. la voilà des heures dans le jardin & les grandes routes. plus besoin de voiture, ses jambes suffisent & bonne-maman[5] aurait grand plaisir à la voir.

M. H. Stackler[6] est ici depuis 2 jours. il peut rester jusqu’à Dimanche soir, ayant installé chez lui un ami qui remplace le Docteur. Il a trouvé Marie[7] mieux qu’il ne s’y attendait, il faut qu’elle reste moins couchée & j’aimerais bien la voir prendre l’air. Nous avons un temps si délicieux un air sec & chaud, tout en ayant le matin un peu de froid. C’est un excellent temps, cependant nous avons quelques fluxions de poitrines graves, entre autre Stackler[8] l’ancien concierge de Morschwiller contremaître ici. Il est facile en effet de prendre froid par ces beaux soleils.

Marie Léon se trouve un peu énervée & manque d’appétit, elle est dans son 6ème mois, croit-on, & le garçon danse à ce qu’il paraît continuellement, ce qui est peu agréable à la maman & lui fait faire quelques fausses notes de temps à autre. Du reste, comme dit son frère qui est compétent la trouve bien. M. Henry a bien bonne mine, il engraisse, est content & l’on voit que le Doctorat ne le fatigue pas trop.

Paul Baudry m’a écrit pour avoir une lettre de moi affirmant que son beau-père[9] n’est pas toujours dans le bon sens ; c’est ce que j’ai fait ; il paraît qu’il a déjà un certificat de Docteur Mairel[10] & Docteur Heuchel[11], la mienne & d’autres probablement encore & avec ces documents il espère obtenir jugement d’interdiction & après levée des poursuites. Du reste je ne m’occuperai pas autrement de cet homme.

Comme tu es quêteuses je t’autorise à demander à Marcel[12] pour mon compte 100 F à mettre dans ta bourse ; de plus pour ne pas l’oublier tu prieras Émilie de remettre pour moi à Mlle Bosvy[13] 20 F pour une quête qu’elle sait sans aucun doute. Paris est donc bien pauvre pour venir quêter jusqu’à Vieux-Thann elle a cependant depuis longtemps oublié que l’Alsace n’est plus française.

Le carnaval n’a pas été bruyant, me dit-on, car je ne suis pas allé voir. Cependant l’on n’a pas mal dansé un peu partout. Nous voici en Carême & ses conséquences gastronomiques.

D’après le baromètre nous pouvons encore espérer une suite de beaux jours. le Rossberg est blanc cela ne nuit pas au paysage. la serre est belle, le jardin par contre dort encore.

Embrasse bien Marcel & Jeanne pour moi

ton père    ChsMff     


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jeanne de Fréville.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alexandre Milne-Edwards.
  4. La petite Hélène Duméril.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Le docteur Henri Stackler (« M. Henry »).
  7. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril et sœur d’Henri Stackler, enceinte (« Marie Léon »).
  8. Martin Stackler.
  9. Louis Alexandre Henriet.
  10. Le docteur Alphonse Eugène Mairel.
  11. Le docteur Jean François Xavier Heuchel.
  12. Marcel de Fréville.
  13. Marguerite Geneviève Bosvy.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 25 février 1882. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25_f%C3%A9vrier_1882&oldid=35523 (accédée le 29 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.