Samedi 25 et dimanche 26 novembre 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)


Fs1882-11-25-pages1-4-Charles.jpg Fs1882-11-25-pages2-3-Charles.jpg


Samedi & Dimanche 25 9bre 82.

Ma chère Marie ta sœur[1] t’aura sans doute communiqué ma lettre d’hier, ce que je puis y ajouter aujourd’hui ne sera pas bien intéressant. Mais je t’écris pour réparer ma faute d’il y a 3 jours où peu disposé j’ai laissé là ma lettre & elle n’est pas allée te trouver.

Je ne vais pas mal aujourd’hui mais mon estomac ne me paraît pas faire grands progrès & il faut que je le ménage encore bien, car un rien le fait déborder, ce qui m’arrive encore quelquefois.

C’est cette viande crue & passée avec grand soin qui facilite beaucoup la digestion & je crois bien que sans ce rôti d’un nouveau genre, je ne saurais plus avaler de viande.

Ainsi aujourd’hui j’ai mangé 60 g ce qui est mon maximum & représente déjà un joli morceau, sans que j’aie à en souffrir, mais il y a des jours où 25 g me suffisent & passent à peine ; cela est insuffisant pour prospérer.

Le docteur[2] trouve que la grosseur à l’estomac est moins forte, cela se peut bien, dans tous les cas elle n’a pas augmentée, mais ce qu’il faut constater c’est que ce vilain viscère ne fait de progrès & pour le satisfaire il me fait chaque fois passer une mauvaise ½ h. S’il y a des gens qui se réjouissent pour leur dîner je ne suis pas du nombre.

Ce qui précède est d’hier samedi avant de me mettre devant mon jambon de Mayence, nouveau venu, monstrueux & authentique acheté par M. Jaeglé[3].

Mon potage additionné de lait pour changer un peu & le rendre un peu plus confortable a bien passé & j’étais tout content lorsque à son tour le Jambon mince comme du papier a dû être interrompu aux premières bouchées j’ai dû quitter la table & me contenter du peu. Ce qui ne m’a pas empêché de faire le soir ma partie de billard & par compensation à 10 h du soir thérèse[4] m'a servi une tasse de lait qui a bien passé. La nuit a été bonne & ce matin j’ai fait le paresseux en ne me levant qu’à 9 h Je viens de passer 2 h au bureau & me voici à mon bureau à te donner de mes nouvelles, après avoir savouré mon verre de vin qui a mieux passé que celui d’hier. Ce qui me contrarie ce sont le peu progrès que je fais & la plus grande sensibilité de mon estomac qui se met à se révolter sans raison, car il ne peut se plaindre [de] ce que je le charge d’une trop lourde besogne.

Je viens de lire la lettre d’Émilie ce matin, elle me dit qu’elle pense venir avec sa tante[5] à Vieux-Thann vers le 6/7. Je me réjouis bien d’embrasser cette chère enfant, & je comprends son désir de venir me trouver, si seulement elle n’avait pas à assister à mes repas qui maintenant sont souvent peu divertissants.

Avec cela un temps des plus abominables, pluie, vent, grandes eaux, qui cependant n’ont pas encore fait de dégâts chez nous comme en plaine où tout est sous l’eau ; il me semble que pour le moment Vieux-Thann n’est pas bien divertissant. Cependant pour la recevoir dignement Krumholz[6] le tailleur vient à l’instant de m’apporter tout un assortiment de belles toilettes.

Rien de bien intéressant d'ici. Hélène[7] est toujours un peu enrhumée, sa maman[8] a une fluxion & souffre des dents, bonne-maman[9] va de nouveau bien, l’Oncle Georges[10] souffre de rhumatismes à une jambe. Embrasse Marcel[11] & Jeanne[12] pour moi

ton père qui t’aime ChsMff  


Notes

  1. Émilie Mertzdorff.
  2. Le docteur Louis Disqué.
  3. Frédéric Eugène Jaeglé.
  4. Thérèse Neeff, employée de maison.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  6. Thiébaut Krumholz, marchand tailleur à Thann.
  7. La petite Hélène Duméril.
  8. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  9. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  10. Georges Heuchel.
  11. Marcel de Fréville.
  12. Jeanne de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 25 et dimanche 26 novembre 1882. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25_et_dimanche_26_novembre_1882&oldid=42585 (accédée le 28 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.