Dimanche 26 novembre 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Paris 26 Novembre 82

Mon cher petit Papa,

Comme il y a longtemps que je ne suis venue causer avec toi ! je m’en fais de vrais reproches, je ne comprends pas comment j’ai pu faire et je t’en demande pardon de tout mon cœur ; j’espère que cela ne t’aura pas inquiété ni fait de peine, j’en serais trop désolée, moi qui pense tant à toi ! mais tu sais, mon Père chéri, je ne suis pas bien vive en ce moment surtout[1] ; les moindres courses me prennent plus de temps que je ne pense et j’arrive à la fin de la journée toute étonnée que ce soit déjà fini.

Tu sais peut-être que j’avais hier un dîner, tous nos cousins d’Arleux que nous recevions pour la 1ère fois, nous étions 15 ce qui est assez considérable pour nous ; Vendredi donc je suis sortie pour acheter et commander bien des choses qu’il me fallait, puis hier je me suis occupée d’arrangements intérieurs, nous avons disposé dans le salon et l’escalier toutes nos jolies plantes de Vieux-Thann qui faisaient un effet charmant, tu ne saurais croire le plaisir que nous avions Marcel[2] et moi à transporter nos pots et à voir comme ils contribuaient à rendre notre maison gentille ; enfin tout a bien réussi, nos cousins ont été très contents je crois de venir chez nous et moi très satisfaite que cela ait bien marché ; on a beaucoup parlé de toi et je suis chargée de quantités d’amitiés à t’envoyer. Ce matin dès 6h Marcel m’a quittée pour aller devine où ? A une partie de chasse ! c’est la 1ère fois que pareille chose lui arrive depuis notre mariage. C’est un de ses collègues, un jeune auditeur, qui l’invitait ainsi que toute une bande de la Cour et il s’est laissé tenter. Ils sont dans une belle propriété sur les bords de la Marne ; on doit déjeuner là-bas et ne revenir que pour le dîner. Depuis ce matin je surveille le temps et par extraordinaire il semble vouloir rester beau ; nous avons d’habitude cependant nos 2 ou 3 ondées par jour et par nuit qui sont bien désagréables ; je suis sûre qu’une telle quantité d’eau doit faire bien du mal à la campagne, il fait doux comme au printemps, nous cessons même de faire du feu.

Tu dois savoir par Émilie[3] que M. Edwards[4] continue à mieux aller ; je n’ai pas eu de nouvelles hier ; mais tante[5] que j’ai vue un instant Vendredi soir paraissait tout à fait rassurée ; c’est merveilleux à 82 ans de sortir si vaillamment de 2 maladies combinées. Pauvre oncle[6] est bien fatigué, paraît-il, des nuits qu’il a passées, du travail qu’il continuait malgré tout dans la journée, et de l’inquiétude très vive qu’il a eue pendant 3 jours ; c’est lui qui a été tout le temps le plus tourmenté. Je vais y partir avec ma petite Jeanne[7], à laquelle je viens de l’annoncer et qui est dans la joie à l’idée de voir des bêtes[8]. Cette chérie se porte à merveille, tout est dans les meilleures conditions possibles pour que son petit frère arrive et que je sois bien tranquille.

J’espère un peu que je vais trouver au Jardin une lettre de toi, mon bon Père chéri, que je voudrais donc te voir ! Adieu, mon Papa que j’aime de tout mon cœur, soigne-toi bien, si tu savais quelle joie j’éprouve quand je pense que tu vas mieux ! Je t’embrasse mille et mille fois

ta fille

Marie

Je te prie de faire mes meilleures et respectueuses amitiés à bon-papa et bonne-maman[9]. J’ai commencé à écrire à cette dernière mais je crains de laisser passer le soleil pour faire sortir Jeannot.


Notes

  1. Marie est enceinte. Robert de Fréville naîtra un mois plus tard.
  2. Marcel de Fréville.
  3. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  4. Henri  Milne-Edwards.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Jeanne de Fréville (« Jeannot »).
  8. Les animaux de la ménagerie du Jardin des plantes?
  9. Louis Daniel Constant Duméril  et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Dimanche 26 novembre 1882. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_26_novembre_1882&oldid=39567 (accédée le 25 avril 2024).

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