Samedi 23 juillet 1887

De Une correspondance familiale

Lettre de Fidéline Vasseur (Paris) à ses cousins Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann)


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Paris 23 Juillet 87.[1]

Mes bien chers Amis,

Quoique vous ayez eu des nouvelles de Paris par Léon[2], je tiens à n’être pas longtemps à vous écrire car, je le sais bien, vous avez le cœur triste, Cette bonne Mme Aglaé[3], vous l’aimiez beaucoup et vous la considériez presque comme une fille, elle avait grandi avec Caroline[4] puis par suite de tristes événements, elle avait remplacé bien dignement la place de Mère, auprès de vos chères petites-filles[5]. Que cette mort a été prompte ! une de ses Cousines, avec qui j’étais en voiture, m’a dit, c’est la suite d’une opération, je n’ai pas osé questionner davantage, de sorte que je ne sais pas ce qui s’est passé.

En me voyant à cet enterrement, nos Parents et Amis pouvaient se dire : vous aussi vous avez donné des inquiétudes sérieuses mais vous voilà debout. Quel vide pour ce bon M. Alphonse et pour ce bon-Papa Desnoyers[6]. Marie[7] et Émilie[8] perdent beaucoup aussi. Aglaé était pour elles d’un si bon conseil et si dévouée. Pour ne pas se laisser aller au découragement il faut se rappeler sans cesse que le bon Dieu est un bon Père et qu’il fait bien tout ce qu’il fait. Qu’on est à plaindre quand on n’a pas la Foi car sans l’espérance d’une autre vie, celle d’ici-bas serait quelquefois bien difficile à supporter.

J’ai de bonnes nouvelles du Nord. Henri[9] me dit que Théophile[10] se remet petit à petit de sa cruelle secousse, il ne lui reste qu’un ébranlement nerveux que son Docteur combat en lui faisant suivre un régime fortifiant, et le force aussi à prendre de l’exercice. Pauline[11] paraît-il se plaît à Saint-Amand et tient le ménage de son Parrain, je ne sais si son intention est de rester toujours avec Théophile. La domestique qu’Adèle[12] avait étant très honnête et ayant des goûts paisibles, mon frère est très content qu’elle consente à rester avec lui et à le suivre où il ira. Il a mis à louer la maison qu’il comptait habiter avec sa femme, elle est trop grande et cherche avec le concours d’henri une petite maison, le plus près possible de la porte Saint-Maurice mais il tient à rester à Lille.

J’ai reçu le 16 Courant une lettre de Clémentine[13] qui pensait vous écrire mais elle s’est abstenue me dit-elle, ne sachant où vous êtes en ce moment. Depuis Jeudi 21 Courant Sophie[14] et ses 3 enfants doivent être au havre où elle compte rester environ un mois puis elle ira à Etreux et si son Père et sa Mère[15] sont assez bien portants, ils l’accompagneront parce que pendant cette absence Gustave[16] ira en Belgique chez sa maman. Dorothée[17] a promis d’aller aussi à Etreux pendant que toute la famille sera réunie. Adèle aura pas mal d’embarras mais quand on aime les siens, on oublie sa peine pour ne penser qu’au bonheur que l’on goûte à être réunis.

Je viens de recevoir quelques lignes d’Adèle Soleil[18] qui prépare sa maison pour recevoir bientôt toute la famille Tisserant[19]. Pierre[20] a dû commencer hier à passer son examen du baccalauréat. Le 1er Août c’est la distribution des prix du Sacré Cœur et Mardi prochain à Saint-Charles. La bonne Adèle va avoir bien de l’embarras elle me dit qu’Eugénie[21] ne va pas mal quoiqu’elle se sente encore de temps en temps une disposition à avoir des malaises et elle a toujours beaucoup de mal à manger. La pauvre Marie[22] a encore eu une attaque la semaine dernière.

Vous avez, je le pense bien, des nouvelles de Cherbourg, comme Marie, je suis attristée de la grande faiblesse de ma chère Tante[23] et une si grande distance nous sépare en ce moment. Je sais bien qu’elles[24] ont de vrais Amis dans toute la famille Vautier mais je trouve que cela ne peut remplacer la famille. Enfin espérons que cet été se passera bien et vivons au jour le jour. Dieu seul sait ce qui nous est réservé.

Pour moi mes bons Amis, je vais vraiment bien et n’ai qu’à remercier Dieu d’être sortie d’un si mauvais pas dans de si bonnes conditions. J’ai eu un très bon chirurgien, un bon médecin, tous deux très convenables et bien élevés, je les ai réglés, tout mon monde est payé et je puis, sans faire souffrir personne, continuer ma petite vie intérieure comme par le passé. A partir du 1er Janvier 88, si Dieu me prête vie, je recommencerai à prélever sur mes recettes pour l’imprévu car bien entendu, [ ] fond de bourse de mes 3 années de ménage sera épuisé au 31 Décembre 87. Pour suivre les conseils de mon chirurgien, j’ai été hier chez un bandagiste, encore 60F à porter en profits et pertes. Je n’ai plus aucun mal m’a dit M. [Reclus][25], l’opération a été très bien faite et guérie mais c’est plus prudent de porter encore un bandage. C’est une souffrance nouvelle pour s’habituer à cette mécanique, mais je remercie Dieu, d’être chez moi, je me repose à mon aise et me couche quand bon me semble. Mme Pigeon se montre bien bonne pour moi car elle m’a accompagnée, de très bonne grâce, dans toutes ces visites si pénibles pour une femme. Mais vous le voyez, chers Amis, je ne recule devant rien pour consolider ma santé. Je souhaite que vous restiez encore longtemps en Alsace où vous êtes infiniment mieux qu’à Paris, mais quand vous reviendrez je ne serai pas la moins heureuse de vos Parents de Paris.

Je vous embrasse de tout cœur ainsi que vos entours.

Votre bien affectionnée.

F. Vasseur

J’ai reçu en son temps la bonne lettre de Constant[26] du 29 Juin et vos quelques lignes du 10 Juillet.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Léon Duméril, fils de Félicité et Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards, décédée le 10 juillet.
  4. Caroline Duméril, première épouse de Charles Mertzdorff, tous deux décédés.
  5. Après la mort d'Eugénie Desnoyers, seconde épouse de Charles Mertzdorff, Marie et Émilie Mertzdorff sont élevées par Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  6. Jules Desnoyers, père d'Aglaé.
  7. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville.
  8. Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
  9. Henri Vasseur, frère de Fidéline.
  10. Théophile Léonard Vasseur, frère de Fidéline ; il vient de perdre son épouse Adèle Werquin.
  11. Pauline Vasseur, sœur de Fidéline.
  12. Adèle Werquin (†), épouse de Théophile Léonard Vasseur.
  13. Clémentine Declercq, épouse de Félix Devot et cousine germaine de Fidéline.
  14. Sophie Devot, épouse de Camille Billot et mère d'Henriette, Camille Félix Guillaume et Félix Billot.
  15. Félix Devot et son épouse Clémentine Declercq.
  16. Gustave Devot, fils de Félix Devot et Clémentine Declercq.
  17. Dorothée Declercq.
  18. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
  19. Caroline Soleil, son époux Gratien Tisserant, et leurs trois enfants : Marie, Louise et Charles Tisserant.
  20. Pierre Soleil.
  21. Eugénie Duméril, veuve d'Auguste Duméril et mère d'Adèle Duméril-Soleil.
  22. Marie Soleil ?
  23. Probablement Louise Augustine Cautru, veuve d'Alfred Pontas-Duméril.
  24. Probablement Louise Augustine Cautru-Pontas-Duméril et sa fille Évelyne Pontas-Duméril.
  25. Probablement Paul Reclus (1847-1914), chirurgien à l'Hôtel-Dieu.
  26. Louis Daniel Constant Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 23 juillet 1887. Lettre de Fidéline Vasseur (Paris) à ses cousins Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_23_juillet_1887&oldid=58774 (accédée le 21 novembre 2024).

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