Samedi 1er et dimanche 2 août 1868

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1868-08-01 pages1-4.jpg original de la lettre 1868-08-01 pages2-3.jpg


Villers sur Mer

1er Août 68

Samedi soir

Mon cher Charles,

Tes lettres me font toujours de plus en plus de plaisir ; et je voudrais pouvoir te montrer combien je suis heureuse en recevant ces bonnes preuves de ton affection. C'est que pour l'un comme pour l'autre, ni les affaires, ni la vie du bord de la mer, ne peuvent faire oublier le vrai bonheur celui d'être ensemble et de pourvoir se communiquer ses pensées et ses impressions. Aussi je ne saurais te dire comme la fin de la semaine prochaine me paraît loin ; et puis faisant un tel voyage je voudrais que tu puisses en profiter pour te faire encore un peu de bien ; ne prenant pas tes douches il me semble que quelques bains de mer te feraient du bien ; le temps est si beau, la mer est délicieuse ; j'ai repris un second bain aujourd'hui, il m'a paru plus agréable, et je compte recommencer demain, il fait si chaud. Notre location est pour jusqu'au 15 au matin, mais avec la fête et les trains de plaisir nous nous demandons s'il ne faudrait pas partir le 13 ou le 14, quoique ce soit dommage de ne pas profiter des jours de fête au bord de la mer.

Tu vois que la fin de la semaine prochaine nous approcherons de la fin de notre séjour; c'est pour cela que si j'osais je t'engagerais à venir nous retrouver, mais je n'ose pas, tu feras ce que tu pourras. Je vois si bien d'ici les mille et une choses qui te retiennent, t'attachent, te tiraillent à la maison que je ne veux pas être le démon tentateur.

Tu seras content de la mine de nos chéries[1], elles sont brûlées et colorées ; les yeux animés et une bonne paresse d'esprit complètent les soins qu'on donne à la machine. Avec cela elles dévorent. Ca doit leur faire du bien.

Je t'écris à côté de M. Edwards[2] qui rédige un rapport, d'Agla[3] qui travaille pour son Jean[4] et d'Alphonse[5] qui lit. Ces 2 Messieurs vont aller à Trouville au devant de Mme Dumas[6] qui arrive avec Noël[7] à minuit et ils craignent qu'elle ne puisse pas se tirer d'affaires tant il y avait de monde hier ; et ce soir ce sera bien autre choses, il y a dès demain des courses à Deauville.

Journal : 9h à 11h sur la plage ; 11h 1/4 bain en famille ; midi déjeuner en ogre ; 1h 1/2 à 4h pataugeade à marée basse ; 4h petit vin sucré ; 5 à 6h courses, visite du pavillon qui est charmant et contient 5 chambres de maître et 4 de domestique. J'ai un lit pliant pour ma Mie, elle peut s'étaler... 6h 1/2 dîner ; 7h 1/2 arrivée de ta bonne lettre, c'est le meilleur moment de ma journée. Je suis restée seule à lire pour bien en jouir puis j'ai été retrouver notre monde sur la plage où l'oncle et les nièces[8] construisaient une tour moyen âge. Voilà; mon cher ami, le récit exact de nos faits et gestes et. Comme nouvelle, Cécile[9] a pris un bain qu'elle a trouvé excellent, elle va continuer. Dis à Thérèse[10] que je suis contente qu'elle soigne bien Monsieur.

Pour l'école il est ennuyeux que tu rencontres des difficultés. Comme tout a besoin d'être étudié.

D'après ce que tu me dis, l'oncle Mertzdorff[11] est à Baden. Je ferais peut-être bien d'écrire à Élise[12] du bord de la mer. Qu'en penses-tu ?

Pour le chalet, c'est presque soirée : 3 bougies ! et du thé qu'on apporte (M. Edwards est là).

Bonsoir, mon chéri, il ne me reste qu'à te souhaiter une bonne nuit et à t'envoyer toutes les tendresses de tes petites filles et celles de ta griffonnante de petite femme qui ne craint pas de dire qu'elle t'aime beaucoup

Eugénie M.

Je n'ai pas de nouvelles de Paris. Je ne sais rien à te dire. On parle d'un bon article dans le Temps sur la candidature de M. Ernest Dumas à Nîmes. « la candidature pour faire plaisir à papa[13] ». Le bruit de la mer vient de me faire penser au canal. Je me suis crue à la maison. La mer paraît d'argent.

Dimanche 9h Nous rentrons de l'Eglise. Tout le monde va bien, les enfants ont bien dormi. Mme Dumas est arrivée à 2h avec Noël, les enfants sont sur la plage avec l'oncle Alphonse. A 11h on prendra le bain. Adieu mon Charles chéri, que n'es-tu avec nous ?

Je t'embrasse bien fort comme je voudrais le faire <ta Nie>

Demande à Thérèse si elle a quelque chose à me faire dire.


Notes

  1. Marie (Mie) et Émilie Mertzdorff.
  2. Henri Milne-Edwards.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Son neveu Jean Dumas.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Cécile Milne-Edwards épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  7. Noël Dumas.
  8. Alphonse Milne-Edwards avec les petites Mertzdorff.
  9. Cécile Besançon, bonne des petites Mertzdorff.
  10. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  11. Frédéric Mertzdorff.
  12. Élisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard et fille de Frédéric.
  13. Jean Baptiste Dumas.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 1er et dimanche 2 août 1868. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_1er_et_dimanche_2_ao%C3%BBt_1868&oldid=60082 (accédée le 7 octobre 2024).

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